Résumé
Trois jeunes sœurs ont fui l’Iran au moment de la révolution de 1979. Elles trouvent refuge dans un petit village d’Irlande pluvieux et replié sur lui-même. Elles y ouvrent le Babylon Café et bientôt les effluves ensorcelants de la cardamome et de la nigelle, des amandes grillées et du miel chaud bouleversent la tranquillité de Ballinacroagh.
Les habitants ne les accueillent pas à bras ouverts, loin s’en faut. Mis la cuisine persane des trois sœurs, délicate et parfumée, fait germer d’étranges graines chez ceux qui la goûtent.
Les délicieux rouleaux de dolmas à l’aneth et les baklavas fondant sur la langue, arrosés d’un thé doré infusant dans son samovar de cuivre, font fleurir leurs rêves et leur donnent envie de transformer leur vie.
Que dire de plus après cet alléchant résumé du roman !
La cuisine iranienne comme intrigue secondaire
La place que prennent les descriptions d’ingrédients et de recettes dans Une Soupe à la Grenade est remarquable. L’autrice, lors de la sortie de son livre, avait indiqué avoir tenté de puiser dans ses souvenirs de petite fille pour recréer la richesse et la chaleur de la cuisine iranienne.
C’est tout à fait le sentiment du lecteur en avançant dans l’histoire. L’intrigue se déroule paisiblement. Les personnages prennent de la consistance mais les plats traditionnels ne sont jamais loin, relevant l’intrigue comme l’assaisonnement d’un plat !
Cette volonté de partager saute aux yeux à chaque fin de chapitre. L’auteure nous détaille une recette, dont il a été question plus haut. Si le lecteur a été suffisamment transporté, il peut essayer de recréer le plat et ainsi, compléter son expérience de lecture.
Cela permet de transposer les descriptions de l’autrice sur du concret !
Le choc des cultures
Marsha Mehran récit nous fait aussi faire un petit saut dans le temps. Au début des années 80 puisque les trois sœurs ont fui l’Iran à la suite de la prise de pouvoir par Khomeiny. Il n’est pas difficile de comprendre l’accueil auquel les filles doivent faire face à leur arrivée dans un village irlandais, entre racisme et curiosité teintée d’ignorance.
La famille ne passe pas inaperçue et il faut l’aide d’une autre ancienne immigrée, napolitaine, pour leur permettre de s’établir et de progressivement prendre leurs marques. Mais cet appui n’empêche pas les manifestations du racisme ordinaire, ni les nombreux commérages et surtout rumeurs qui circulent dans ce microcosme.
Ce sont les mêmes ressorts que l’on peut retrouver dans le film Les Recettes du Bonheur de Lasse Hallström sorti en 2014, dix ans après la publication du roman de Marsha Mehran.
Une communauté fermée sur elle-même, perclue d’habitudes et de certitudes, mais qui va se laisser gagner à accepter les nouveaux venus grâce à la cuisine, vecteur universel de convivialité et de moments de plaisir partagés.
Un bon méchant
Là où le roman Une Soupe à la Grenade va sans doute plus loin, c’est avec la figure de l’antagoniste, Thomas McGuire. C’est le notable du village, le plus gros commerçant, qui considère le maire comme l’un de ses employés, il a toujours fait ce qu’il voulait pour son business.
Et justement, son opposition aux trois nouvelles venues dépasse la simple peur de l’inconnu primaire. En effet, le local qu’elles louent pour leur café, il le voulait pour renforcer son petit empire local.
C’est cette confrontation entre des personnages flamboyants, bien que ce soit pour des raisons différentes, qui donne tout son caractère au roman.
Là où la manifestation d’un racisme malheureusement inévitable vu l’époque, vu le lieu a quelque chose de trop banal et pêche un peu dans le film.
Des personnages féminins forts
Les trois sœurs ont des caractères forts, bien que radicalement différentes. L’aînée Marjan, sur qui pèse la responsabilité de cette famille et la pression de s’en sortir malgré l’exil, est le moteur du récit.
C’est elle qui décide d’ouvrir ce café et qui entraîne les deux plus jeunes derrière elle. A la lecture, on sent tout de suite un caractère volontaire, déterminé et qui ne se laisse jamais abattre par l’adversité.
Bahar vient en suivant par l’âge, elle est plus effacée, plus calme et l’on sent rapidement des zones d’ombres dans son histoire, qui seront révélées par la suite. Layla est la plus jeune, une adolescente et finalement celle qui s’adapte le mieux à son nouvel environnement irlandais.
Mais c’est leur force lorsqu’elle sont soudées qui fait le plus d’étincelles, rien ne peut leur résister ! L’autre personnage fort du roman est bien sûr leur propriétaire Estelle Delmonico.
Cette vieille dame veuve voit à travers les sœurs la répétition à peine différente de l’exil qu’elle a elle-même vécu avec son mari dans sa jeunesse. On sent chez elle une tendresse quasi maternelle, surtout à l’égard de Marjan.
Cette relation enrichit encore la structure du récit et soulage aussi le lecteur, tout le monde n’est pas aveuglé par les préjugés…
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