Résumé
Deux femmes : Clarisse, ogre de vie, grande amoureuse et passionnée de l’Asie, porte en elle depuis l’origine une faille qui annonce le désastre ; Ève balance entre raison et déraison, tout en développant avec son mari une relation profonde et stable. L’une habite Paris, l’autre New York. À leur insu, un lien mystérieux les unit.
La quête du bonheur
C’est bien sûr le thème central de ce roman, déjà présent dans le titre et cette quête se poursuit en filigrane tout au long du récit. Il s’agit de l’une des questions les plus posées sur les moteurs de recherche. C’est quoi le bonheur ? Comment sait-on quand on est heureux ? Ne peut-on percevoir le bonheur qu’a posteriori, quand, justement, il s’est enfui ?
Catherine Cusset nous propose de suivre deux destins de femmes pour illustrer cette chose immatérielle et si difficile à appréhender. Clarisse et Eve sont-elles pour autant présentées en opposition ? Est-ce que l’une ou l’autre a raison ? Ou est-ce comme pour tout, c’est une affaire de choix personnel, intime ?
Un roman féminin
La définition du bonheur est un livre vraiment féminin, mais pas dans un sens péjoratif. Ce sont les points de vue déjà qui donnent cette coloration. Mais au-delà de la narration, ce sont les thèmes qui jalonnent la vie des femmes.
C’est une façon d’universaliser le discours, au-delà des péripéties particulières qui attendent les deux héroïnes. La maternité, les relations de couple, le rapport au temps qui passe, au corps, etc. Je pense qu’au fil du texte, les lectrices peuvent s’identifier à une ou plusieurs facettes des personnages.
Mais c’est aussi un roman féminin si l’on regarde certains lieux communs que l’on retrouve souvent à travers la littérature majoritairement dédiée aux femmes. Paris, New York, les voyages en Inde… C’est un peu le tour du monde des lieux clichés pour ce type de romans.
Pour autant, l’autrice justifie ses choix. De par sa vie personnelle, Paris et New York sont des villes qu’elle connaît vraiment bien. Et l’Inde, eh bien c’est un cliché pour beaucoup d’Occidentaux d’y voyager pour “se trouver”, et ce depuis au moins mai 68 🙂 Donc, le choix de Clarisse plonge ses racines dans ce contexte plus large de fantasmes autour du voyage pour appuyer un voyage intérieur !
Le bonheur, calmement ou passionnément ?
On peut aussi tout à fait s’identifier dans l’approche du bonheur de l’une ou l’autre héroïne. Finalement, est-ce que ce n’est pas qu’une question de personnalité ? Dans cette époque où tout le monde veut toujours tant se croire unique, des romans comme celui de Catherine Cusset nous ramènent vers une communauté d’êtres humains. Certes divers, mais dont les expériences de vie se croisent, se rejoignent, se ressemblent à l’échelle de l’humanité.
C’est aussi un réconfort de la littérature à la fois de montrer la différence mais à la fois de provoquer des liens. Tiens, moi aussi je réagis comme elle dans telle situation, etc. On peut sortir un peu du particulier et embrasser le général !
C’est presque le quizz des magazines estivaux, quel bonheur est fait pour vous ? Etes-vous plus ceci ou cela. En lisant ce roman, on ne reste pas à la marge. On est happés tout entiers dans l’univers imaginé et on s’implique. Qu’aurait-on dit ou choisi dans tel passage ? Le bonheur, c’est quoi pour nous, lecteurs ?
La frontière avec la fiction
Ces deux femmes dans la force de l’âge, Clarisse et Eve, on ne veut pas les quitter. D’abord on ne veut pas lâcher le roman. Et puis on n’a pas envie de les laisser derrière. L’autrice réussit la performance de les rendre véritablement sensibles, attachantes. Ce sont presque des amies qu’il faut laisser au moment de ranger le livre dans la bibliothèque.
On peut considérer que c’est là bien le minimum pour un écrivain, de nous attacher à son héros. Mais en réalité, combien y a-t-il de livres ou on saute des pages, on lit en diagonale, on reste froids devant ce qui est décrit… Certes, parfois tel roman ne correspond pas à notre humeur ou autre. Mais aussi, de nombreux textes nous ennuient, nous lassent et on se fiche pas mal des galères à surmonter des personnages 😉
Ici au moins, Catherine Cusset nous embarque avec elle, avec une plume légère et fluide qui n’empêche pas la profondeur du propos.
Derrière la légèreté
Car ce n’est pas un roman type romcom ou bien à lire sur la plage. Et plus on avance, plus on s’interroge sur le poids des blessures anciennes, le poids des failles des générations précédentes aussi. Quelle est la place de ces paramètres dans la quête du bonheur ?
C’est un roman sur la résilience, la force de la vie, malgré toutes les épreuves. Et malgré les orages dans les couples, dans l’éducation…
La définition du bonheur est un texte complet, riche qui fait sourire mais aussi pleurer.