Résumé
Qu’elles vendent des grimoires sur Etsy, postent des photos de leur autel orné de cristaux sur Instagram ou se rassemblent pour jeter des sorts à Donald Trump, les sorcières sont partout. Davantage encore que leurs aînées des années 1970, les féministes actuelles semblent hantées par cette figure. La sorcière est à la fois la victime absolue, celle pour qui on réclame justice, et la rebelle obstinée, insaisissable. Mais qui étaient au juste celles qui, dans l’Europe de la Renaissance, ont été accusées de sorcellerie ? Quels types de femme ces siècles de terreur ont-ils censurés, éliminés, réprimés ?
Ce livre en explore trois et examine ce qu’il en reste aujourd’hui, dans nos préjugés et nos représentations : la femme indépendante –; puisque les veuves et les célibataires furent particulièrement visées ; la femme sans enfant –; puisque l’époque des chasses a marqué la fin de la tolérance pour celles qui prétendaient contrôler leur fécondité ; et la femme âgée – devenue, et restée depuis, un objet d’horreur.
Enfin, il sera aussi question de la vision du monde que la traque des sorcières a servi à promouvoir, du rapport guerrier qui s’est développé alors tant à l’égard des femmes que de la nature : une double malédiction qui reste à lever.
Un essai qui a marqué l’époque
Sorcières est sorti à la toute fin 2018 et le succès a été immédiat. En plein mouvement #MeToo, après les révélations de l’affaire Weinstein fin 2017, ce livre est tombé à point nommé. Il a fallu cette onde de choc mondiale pour remettre en lumière la parole des femmes. Pour sortir (au moins un peu) du cliché des féministes tournées en ridicule parce que forcément moches, esseulées, ringardes.
Mona Chollet n’a pas attendu ce réveil collectif pour écrire sur la condition des femmes dans notre époque contemporaine. Dans Beauté Fatale l’auteure explorait les clichés, les complexes inculqués par la société de consommation et l’industrie de la mode et des cosmétiques.
Cette fois-ci, Mona Chollet poursuit son propos en s’attaquant à d’autres variantes de stéréotypes qui collent aux femmes. Et à certaines catégories de femmes en particulier. Les femmes indépendantes, célibataires, veuves, quelle qu’en soit la raison. Celles qui n’ont pas le désir de devenir des mères. Et les femmes enfin, que nous sommes ou serons toutes : les vieilles femmes.
Les procès iniques contre les “sorcières”
Cet essai commence tout d’abord par retracer comment nos sociétés ont fabriqué des sorcières. Dans quel but et avec quelles conséquences injustes, mortelles et traumatisantes. La chasse au diable, au Moyen-Age, et encore à l’époque moderne, passe par la traque de ses serviteurs. Dans l’immense majorité des cas ce sont des femmes qui ont été jugées. Et dans l’immense majorité des cas, elles ont été condamnées après des tortures sans fin et exécutées.
Tout était bon pour faire accuser des femmes gênantes, intimidantes. Et tout pouvait devenir une preuve à charge contre elle, une preuve de leur complicité avec le diable.
Des accusées de l’Histoire aux stéréotypes repoussoirs modernes
Au fil de cet essai, on se rend compte que les femmes qualifiées de sorcières permettent surtout à l’auteure d’ouvrir le débat sur les trois grands stéréotypes de femmes évoqués plus haut.
Les pressions sociales sont sans fin sur les femmes seules. La culture mainstream donne en effet à plein dans les clichés. Que ce soit la folle aux chats, la perte de la jeunesse/fraîcheur sans amour pour la sublimer, etc. Une femme ne sera jamais complète par elle-même, elle donne se donner, se sacrifier pour accomplir sa nature intrinsèque… Des idées reçues tenaces, qui cadenassent encore beaucoup l’éducation des petites filles. Et elles deviennent parfois des sources d’angoisse pour des jeunes femmes.
Il en va de même pour les femmes qui refusent la maternité. Si aujourd’hui l’argument écologique commence tout juste à pouvoir se faire entendre, c’est l’aiguille dans la botte de foin des injonctions à procréer. Les pressions sociales passent par des domaines comme la publicité, la presse féminine, les traditions familiales aussi. Et aussi par le cinéma ou les séries. Une femmes qui tombe enceinte sans s’y attendre et qui tergiverse sur le fait de garder l’enfant, dans l’écrasante majorité des fictions, la femme finira par accepter la grossesse et s’en réjouir. De même, les figures de femmes ayant avorté doivent toujours être dramatiques, voire regretter leur choix.
Les femmes âgées
Enfin, la vieillesse des femmes. Cette partie de l’essai est, selon moi, la plus touchante. Sûrement parce que la moitié de l’Humanité se retrouve condamnée par une date de péremption. Pour ne jamais être associées avec les méchantes de dessins animés, la société nous propose les mille et unes teintures pour cheveux, les innombrables techniques de chirurgie esthétique et de dermatologie esthétique… Des procédés coûteux, la plupart du temps douloureux ou dont les conséquences sont encore mal connues… Tout plutôt que de vieillir tout naturellement comme bon nombre acteurs qui se sont « bonifiés » avec les années. Pourquoi ?
Des réflexions pour avancer
Mona Chollet développe sa pensée et son sentiment propre par rapport à cette thématique importante. C’est une lecture qui fait du bien. C’est à rebours des injonctions, cela ouvre pour le lecteur une réflexion qu’il est possible de développer plus loin par soi-même. Et, surtout, c’est un essai qui rappelle qu’au-delà des clichés limitants d’autres voies/voix sont possibles, paisibles et peuvent servir de nouveaux modèles pour les plus jeunes générations.
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