Résumé
Le pain est en France le symbole du produit simple et naturel. Qui songerait à demander à son boulanger de justifier la provenance de la farine ou la nature de la levure ?
Pourtant, la plupart des pains que nous mangeons sont le résultat d’une standardisation dangereuse pour le goût et notre santé. Depuis une dizaine d’années, l’industrialisation s’accélère sous la pression des grands moulins et des nouvelles chaînes de boulangeries.
Une enquête de journaliste
Ce livre parut en 2016 est une enquête fouillée et pertinente de la journaliste Marie Astier. Elle est membre de la rédaction de Reporterre, un quotidien 100% digital dédié aux questions écologiques. L’auteure s’attaque ici au pilier de l’alimentation française par excellence : le pain. On en mange tous les jours, à tous les repas mais que contient aujourd’hui cet aliment de base ?
Je me souviens lorsque j’avais trouvé ce livre en librairie. Tout de suite la quatrième de couverture m’a donné envie de l’acheter et les questionnements ont commencé. Mais c’est vrai ça. J’essaie de choisir des produits bio mais je ne m’étais jamais posé la question pour le pain. C’est l’aliment qui finalement passe le plus sous les radars, alors qu’il est au cœur des repas. J’avais très hâte d’en savoir plus.
Le pain, un produit industrialisé comme les autres
Et surprise, le pain, et surtout la composition des farines derrière, n’échappent pas aux dérives de l’industrialisation…
L’auteure, au fil de cette démonstration argumentée et sourcée, met le doigt sur le monde industriel qui travaille, bien loin du comptoir de la boulangerie au coin de ma rue.
Comme pour tous les autres produits agroalimentaires, les farines ne sont en majorité pas bio, pas locales, contiennent plus ou moins d’additifs pour conditionner le résultat du pain.
Une partie de cette industrialisation se comprend facilement, le métier de boulanger est difficile, très contraignant et en horaires décalés. Mais avec le soutien d’une part de la technique, avec les machines, et de l’autre celui de la chimie, les grands groupes de meunier 2.0 ont réussi à faciliter la tâche aux artisans et aussi aux consommateurs. On peut modifier la farine pour s’assurer que le pain tiendra la congélation/décongélation, pour que la mie soit particulièrement moelleuse, la croûte plus comme ci ou comme ça etc.
Mais hélas, c’est comme pour tout, cela a un prix…
Des artisans captifs
Cette filière met en œuvre les mêmes pratiques que toutes les autres. Des contrats d’exclusivité avec les artisans indépendants, l’obligation pour eux de vendre aussi tous les aliments de type viennoiseries ou sandwicherie qui bien souvent sont livrés tout prêts et surgelés…
Et à côté des artisans, on observe le développement de chaînes de boulangerie. Là, c’est les mêmes principes que n’importe quel magasin aujourd’hui. Economies d’échelle, salaires tirés vers le bas pour les employés, qualité standard des produits vendus, prix au rabais pour le consommateur. Le développement de ces franchises est aussi la raison qui pousse les artisans à chercher à s’aligner pour survivre.
Des répercussions pour la santé
Le pain est un aliment intrinsèquement particulier puisqu’une période de fermentation est indispensable pour arriver au produit final. De un à plusieurs jours dans les temps anciens, on est passé à une fermentation accélérée en quelques heures. Cela ajouté au fait que les farines contiennent additifs et enzymes, la qualité nutritive du pain est forcément impactée. Pour les personnes allergiques ou ayant un système immunitaire sensibilisé, de telles formules ne peuvent pas ne pas avoir de conséquences.
Et au-delà, l’auteure détaille très bien la perte de goût, de plaisir purement gustatif, qui découle de ces procédés industriels.
Après la pluie, le beau temps
Cet ouvrage ne se contente pas d’exposer les problèmes, laissant le lecteur un peu plus inquiet qu’auparavant. La deuxième partie est consacrée aux artisans qui réfutent ces pratiques uniformisées, refusent de travailler avec des farines non issues de l’agriculture biologique. De plus en plus de boulangers souhaitent mettre en avant leur expertise métier et proposer aux consommateurs d’autres pains.
Sans crier haro sur le pain non bio, qui reste le produit le plus vendu en France, les expérimentations de certains passionnés laissent rêveur. Et la réussite de leur modèle laisse aussi entrevoir une autre voie possible que celle du pain standard.
Une enquête qui en appelle d’autres
Après cette lecture, j’ai décidé de m’intéresser de plus près au processus de fabrication du pain traditionnel, au fonctionnement du levain, l’ancêtre de toutes les levures chimiques. Pour aller plus loin, je recommande le reportage de Netflix Cooked dont un épisode est consacré au pain.
Et pour les plus aventureux, il y a quantités de blogs ou de vidéos Youtube sur la question ! Vous pouvez tenter de lancer votre levain avec le tuto de Eric Kayser et tenter un pain de campagne avec cette vidéo de la chaîne La Petite Bette. Bonne réflexion/expérimentation ! 🙂