Résumé
Dans la banlieue de Tokyo, Kôko, Matsuko et Ikuko tiennent une petite cantine de quartier. La cuisine y est familiale ; et bien que joyeuses et pleines d’énergie, elles n’ont, pour les clients qui poussent la porte, rien d’extraordinaire. Ce sont des femmes qui prennent de l’âge, des femmes invisibles.
Mais il suffit de goûter les beignets de palourdes, les croquettes de tôfu aux bulbes de lis ou les bourgeons de pétasites au miso qu’elles cuisinent pour qu’opère une étrange alchimie. Quelle chance d’aimer manger ! Quelle chance d’être vivante !
La cuisine de La Maison de Coco devient alors le lieu du bonheur retrouvé et de la réconciliation. Avec les amours passés, les choses cachées derrière les choses mais surtout avec soi. Car on ne finit jamais d’être femme et de savourer la vie. «
Une collection pour les gourmands
L’ode au chou sauté de Inoue Areno est le roman qui a inauguré une nouvelle collection chez l’éditeur Picquier, lancée en 2021. Une collection intitulée Le Banquet et dirigée par Ryoko Sekiguchi. Cette auteure explore elle-même dans ses écrits la puissance de la cuisine comme vecteur d’émotions et de savoirs entre les gens, comme par exemple dans 961 heures à Beyrouth.
Et puis ce choix de nom, Le Banquet, n’est pas anodin. Il nous indique clairement les ambitions autres que purement gustatives et gourmandes. En effet, Le Banquet c’est aussi celui de Platon. Un texte philosophique fondateur sur le thème de l’amour et qui prend pour cadre un banquet entre amis.
C’est l’idée aussi de cette collection, par le truchement de la cuisine, banale, quotidienne et sensorielle, ouvrir l’esprit du lecteur à des considérations plus larges.
Le roman du quotidien
Avec une écriture toute en finesse et un style d’une grande sobriété, Inoue Areno propose un texte presque en éloge à la simplicité. Dans un laps de temps assez court, pas même une année, le lecteur apprend à connaître ces trois femmes, différentes, mais qui se rassemblent et cohabitent grâce à la cuisine.
Et cette cuisine, ce n’est pas le dernier restaurant à la mode, ce n’est pas de la gastronomie. Non, ce sont des plats préparés pour une clientèle de travailleurs pressés de manger à l’heure du déjeuner. Il n’y a pas de prétentions dans l’élaboration des recettes, l’auteure laisse toute la place à la cuisine du quotidien, indispensable et authentique.
Pour ces trois personnages, la cuisine agit tour à tour comme une bouée de sauvetage, un aiguillon de la nostalgie, une autre manière d’approcher la réalité.
Ce n’est pas un récit fait pour faire rêver ou pour simplement faire saliver. La cuisine n’est pas là comme un artifice ou pour faire opérer une magie ou un exotisme. C’est l’histoire de trois femmes d’un certain âge, aux prises avec leur passé et la réalité au jour le jour.
Compenser les tristesses
Ce roman illustre merveilleusement bien l’imbrication inévitable des drames, des regrets et des moments joyeux. La cuisine sert de liant aux personnages et le plus souvent c’est par elle que le bonheur apparaît. Cette activité indispensable et routinière peut tout à fait être aussi celle qui permet de lâcher prise sur les problèmes. Choisir les bons produits, réfléchir à la recette qui les mettra en valeur… Et puis se régaler à déguster les plats ! C’est finalement le moyen le plus accessible de se remonter le moral. Aujourd’hui plusieurs études ont prouvé les liens entre la nourriture et l’humeur, mais c’est une chose dont on a tous fait l’expérience. Ce n’est pas pour rien qu’on dit de certains plats qu’ils sont réconfortants 😉 Un coup de déprime, de la tristesse, comme les personnages ici, on aura tendance à chercher à se sentir mieux en avalant des plats qui nous plaisent.
La cuisine universelle
Au-delà de l’histoire unique des personnages que Inoue Areno nous présente, j’ai beaucoup aimé cette omniprésence discrète et humble de la cuisine. D’abord, parce que c’est l’activité humaine primordiale. Comme tous les animaux, il nous faut nous nourrir, tout le temps, partout. Alors certes c’est moins difficile pour les humains mais cette activité vitale n’en demeure pas moins centrale dans toutes nos vies. Quels que soient le contexte ou le lieu, il faut manger. Ce qui fait de la cuisine le cœur autour duquel gravite toutes les autres préoccupations. Les bonheurs, les malheurs, les crises ou les petites joies. Tout finira par tourner autour d’un plat. C’est universel, les ingrédients varient mais le fond reste le même partout sur notre planète. C’est un lien, et un liant, extrêmement fort et j’aime d’autant plus ce roman qui donne à voir cette réalité.
La cuisine est là pour accompagner face aux difficultés rencontrées par les personnages, elle est aussi là pour les souder entre elles. Ce sont des moments de vie authentiques, qu’il faut apprendre à savourer à leur juste valeur.