Résumé
Ces lettres nous offrent de très précieux renseignements sur les conceptions de la peinture qui furent celles de Van Gogh. Cet échange avec un autre artiste lui permet de développer ses conceptions de la couleur, son rapport à l’art hollandais et à affirmer avec force ce qui le singularise de ses proches contemporains.
Travailler à plusieurs
Les quelques lettres réunies dans cet ouvrage permettent une plongée dans la vie quotidienne de Van Gogh. Et elle éclaire aussi ses conceptions quant au travail de peintre. En effet, à multiples reprises, il cherche à convaincre Emile Bernard et Gauguin de venir le rejoindre à Arles. Van Gogh imagine une vie en communauté des peintres, chacun travaillant sur ses propres toiles mais tous menant les réflexions ensemble.
Il se fonde sur ce qu’il a lu des peintres classiques japonais sur ce point. Peut-être aussi peut-on y avoir une pensée tirant vers le socialisme ? Ou tout simplement, parce qu’à plusieurs on va plus loin. Et à la lecture, on perçoit bien la sensation qu’a Van Gogh d’être dépassé par la tâche artistique à accomplir. Il semble le vivre comme une mission.
Après avoir lourdement insisté, seul Gauguin le rejoindra un temps dans le sud. Mais il ne restera pas et l’idée de Van Gogh demeurera une utopie.
On découvre que pour lui, seule compte la solidarité pour faire avancer l’art. Ces lettres sont les contemporaines du début du pointillisme mené par Paul Signac. Ne partagent rien avec la philosophie de travail de Van Gogh, il est intéressant de voir que l’artiste refuse pour autant les mesquineries, les “petites jalousies” qui risqueraient de rendre les peintres “sectaires”. Il développe une vraie vision du Bien Commun en peinture, chacun y apporte sa pierre à l’édifice.
La pensée artistique
Van Gogh défend l’idée que les peintres doivent développer leur imagination pour renforcer leur créativité et dépasser la simple reproduction du réel dans leurs peintures. Et le lecteur voit très vite l’angle de travail fondamental dans la peinture de Van Gogh : les couleurs.
Il décrit à son ami les tableaux sur lesquels il travaille en insistant sur son choix de couleurs plutôt que sur le motif.
De même, lorsqu’il décrit des scènes de la vie courante qui l’inspirent ou le marquent, les couleurs sont omniprésentes. Il parle de “militaires rouges et bourgeois noirs, aux visages d’un magnifique jaune ou orangé”. On sent aussi l’influence de la peinture japonaise. Comme au Japon, Van Gogh décide d’employer le blanc et le noir et de les considérer comme des couleurs à pat entière, une petite révolution pour son époque.
Une solide culture classique
Conseillant Emile Bernard, qui est novice dans ce métier de peintre, Van Gogh détaille les grands maîtres classiques de la peinture hollandaise. C’est une vraie leçon d’histoire de l’art et cela prouve, s’il en était besoin, la culture classique du peintre.
Mais au-delà des grands peintres, ces lettres sont aussi l’occasion de découvrir sa pensée concernant des peintres plus modernes, de Monet à Courbet en passant par Cézanne et Degas. Les deux derniers faisant l’objet d’analyses pour le moins atypiques !
Un travailleur acharné
On sent dans chacune de ses lettres comme une urgence dans le fait de produire des toiles. Van Gogh se dit à plusieurs reprises fatigué, il travaille sur de nombreuses études et toiles à la fois ! Le lecteur perçoit son énergie créatrice révélée avec le soleil de Provence.
On plonge avec lui dans son atelier, dans son travail. Et le lecteur découvre ainsi que la série de tableaux des tournesols avait pour but de décorer son atelier ! Devant la postérité de ces toiles, c’est amusant d’en connaître la genèse. Il est très prolifique au cours de ses dernières années, terminant parfois une toile en une seule séance, comme Soir d’Eté.
Quand Van Gogh décrit ses tableaux en train, le lecteur a toujours envie d’aller regarder en ligne les tableaux dont il est question. Cela rend l’expérience de lecture enrichie de cette dimension picturale.
Van Gogh fait souvent référence à Saint Luc, le saint patron des peintres. Ayant le bœuf pour symbole, le saint est là pour rappeler aux peintres qu’il “faut être patient comme un bœuf” pour progresser dans le domaine de l’art !
Des lettres pour mieux comprendre la peinture
Cet échange épistolaire révèle au lecteur un peintre passionné, grand travailleur malgré les difficultés financières. Malgré aussi malgré les éléments, puisqu’il peint même en plein mistral, le chevalet maintenu par des cordes et des poids !
Les réflexions qu’il ébauche sur son travail de la couleur, ses choix de compositions, l’ensemble permet de mieux saisir les raisons et les conditions de réalisation de ses tableaux.
Un très court volume qui donne toutefois envie de se plonger dans la correspondance plus abondante entre Vincent Van Gogh et son frère pour en découvrir davantage…
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