Résumé
Arrivé en France pour étudier la littérature, Tommaso Melilli se retrouve pendant dix ans chef d’un restaurant branché de la capitale. Un jour, à la recherche de ses racines, il décide de retourner en Italie. En quête de la « vraie cuisine italienne », il pénètre dans les restaurants locaux, intègre les brigades, apprend à chasser les ingrédients secrets. De la cuisson parfaite des pâtes à l’art de préparer les artichauts, Tommaso nous entraîne au cœur des cuisines où se vivent chaque jour d’incroyables aventures humaines.
Des pérégrinations gourmandes
C’est un texte hybride et surprenant. On est à mi-chemin entre le carnet de bord du voyageur et un essai sur la culture culinaire. L’auteur entraîne le lecteur avec lui dans sa quête d’authenticité en cuisine.
De petits villages perdus aux grandes villes italiennes, l’auteur nous fait découvrir les nouvelles figures de la gastronomie de son pays. Loin de la course aux étoiles du Guide Michelin, l’auteur nous présente des chefs avec lesquels il entre en résonance, dont il partage les valeurs.
Et je trouve que c’est l’un des aspects les plus intéressants de ce livre. On a pas besoin de parler de la cuisine de palace, ou des trois étoiles, pour pouvoir trouver de l’innovation et de la créativité en cuisine. Bien sûr, ces établissements célèbres et luxueux participent activement au renouveau constant de la cuisine et façonnent les modes. Mais c’est justement tout aussi intéressant de voir les adaptations que peuvent faire des restaurateurs plus confidentiels à leur propre niveau.
Ainsi, les principes d’une cuisine plus écologique, avec moins de gaspillage, des circuits courts d’approvisionnement, etc. Ces principes peuvent s’appliquer partout mais ne donneront pas les mêmes résultats en fonction des régions.
Et cette envie de faire mieux pour l’écologie, croise forcément la route de la cuisine de terroir. C’est une dimension très documentée dans le texte.
Le terroir, mythe ou réalité ?
C’est la question qui se pose pour l’auteur au fil de ses rencontres. Le terroir ce sont les produits locaux, le vin aussi produit sur place et c’est aussi la tradition culinaire. Mais les plats aujourd’hui dits traditionnels le sont-ils vraiment ? Sont-ils vraiment préparés de la même façon ? Avec les mêmes ingrédients, etc ?
Même pour des chefs qui s’ancrent dans le territoire proche de leur restaurant, le terroir n’est pas incompatible avec l’innovation. Et c’est de cette manière que de nouvelles traditions voient le jour, par exemple le saucisson d’oie !
Ce qui m’a frappée en lisant ce livre, c’est aussi l’omniprésence des abats dans les plats emblématiques de cette nouvelle génération de chefs. Alors que ces bas morceaux mal aimés n’existent, pour ainsi dire, pas du tout dans l’imaginaire collectif de la cuisine italienne. Pourtant l’auteur l’explique très bien, les sociétés comptent plus de plébéiens que de patriciens, il faudrait donc que ce soient les morceaux “nobles” de bœuf et autre qui soient rarissimes dans les menus !
Moi qui ai tant de mal avec les abats, je dois avouer que les plats à base d’utérus de veau ou de ceviche de cervelle ne me font pas saliver… Et pourtant c’est une nouvelle manière de valoriser des produits pour éviter le gaspillage et créer de nouvelles associations de saveurs.
L’osteria d’antan
L’auteur ne réfléchit pas seulement aux façons de faire en cuisine. Il élargit ses réflexions à la place du restaurant dans la société. Ce qu’on y trouve, ce qu’on voudrait y trouver, l’importance du service en salle. Pour l’auteur, c’est le modèle italien ancestral de l’osteria qu’il voudrait voir remis au goût du jour. Entre l’auberge et la taverne, c’était un lieu sans chichis, accueillant, que ce soit pour boire un verre ou manger.
On sent une véritable nostalgie chez l’auteur pour ce type d’établissement. Une cuisine réconfortante, une gestion en famille, gage pour Tommaso Melilli d’une meilleure harmonie qu’entre collègues. (On a tous vu des épisodes de Cauchemar en cuisine avec Gordon Ramsay qui invalidant pourtant cette vision romancée 😉 Mais l’idée derrière la rêverie serait de retrouver des restaurants chaleureux, avec une équipe soudée et investie dans la réussite de ce projet. C’est une idée à creuser !
Le magnétisme de l’Italie
Et puis, bien sûr, ce texte est très agréable à lire avec les beaux jours, les vacances, et ce voyage à travers toute l’Italie ! Le pays de la Dolce Vita, du soleil, de la bonne cuisine évidemment… Des lieux communs, des attrape-touristes oui. Mais aussi le fond d’une culture millénaire qui a plus d’un tour dans son sac.
J’ai repensé à la mini-série diffusée en 2020 The Shape of Pasta. Un chef américain sillonnait lui aussi l’Italie pour découvrir et apprendre à former des pâtes. C’était filmé comme on rêve l’Italie, c’était construit comme on aime souvent imaginer les Italiens. Les pâtes faites par une vieille nonna rencontrées par hasard ou presque…
Tommaso Melilli va plus loin. Il décortique la grammaire culinaire de son pays. Il va à la rencontre d’autres chefs, réfléchissent ensemble à la cuisine, ce qu’ils aiment, ce qu’ils veulent mettre en avant à l’avenir… Et on dépasse les simples clichés.
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