Résumé
Hatoko a vingt-cinq ans et la voici de retour à Kamakura, dans la petite papeterie que lui a léguée sa grand-mère. Le moment est venu pour elle de faire ses premiers pas comme écrivain public, car cette grand-mère, une femme exigeante et sévère, lui a enseigné l’art difficile d’écrire pour les autres.
Le choix des mots, mais aussi la calligraphie, le papier, l’encre, l’enveloppe, le timbre, tout est important dans une lettre. Hatoko répond aux souhaits même les plus surprenants de ceux qui viennent la voir : elle calligraphie des cartes de vœux, rédige un mot de condoléances pour le décès d’un singe, des lettres d’adieu aussi bien que d’amour. A toutes les exigences elle se plie avec bonheur, pour résoudre un conflit, apaiser un chagrin.
Et c’est ainsi que, grâce à son talent, la papeterie Tsubaki devient bientôt un lieu de partage avec les autres et le théâtre de réconciliations inattendues.
Un roman qui fait du bien
J’ai dévoré ce roman de Ogawa Ito. Il n’y a pas d’autres mots, quand on refuse de lâcher le livre avant d’en connaître le dernier mot ! La papeterie Tsubaki est un récit lumineux, qui se lit très bien, on y suit les destins des gens de ce quartier de Kamakura. Il faut peut-être le classer comme roman feel good, même si je ne comprends pas trop cette catégorie. Pour certains c’est connoté négativement, comme une lecture trop facile donc forcément inintéressante. Pour d’autres, feel good c’est plutôt la romance de Noël, ou de tous les autres mois de l’année d’ailleurs, vu la profusion de titres disponibles !
Moi je dis feel good pour décrire des livres qui dégagent une certaine sérénité, des histoires de vie qui s’achèvent en évitant les écueils du drame et les paillettes du conte de fée. Des récits pondérés, bien écrits, pétris de bienveillance et qui vous donnent de l’énergie.
Dévorer un livre
Je me rends compte que j’ai changé ces dernières années dans ma façon de juger une lecture comme celle-ci. Il y a quelque temps, un roman contemporain d’une autrice toujours bien vivante, lu en une journée… Je fermai le livre avec un haussement d’épaule. J’ai pu le lire d’une traite, donc c’était un livre trop limpide, trop simple, trop “banal”. Ma réponse face à l’évidence de ne pas pouvoir lire tous les livres au cours d’une vie c’était de me concentrer en priorité sur les grands écrivains du passé, connus, célébrés, encensés, auteurs de chef d’œuvre.
J’aimais que chaque lecture me fasse faire les montagnes russes des émotions. Avoir le cœur brisé comme avec La dame aux camélias, prendre une claque monumentale avec l’écriture de Laclos ou Austen, etc… Lire rapidement un roman agréable me semblait une expérience de lecture incomplète car sans difficulté, ni de style, ni de complexité narrative.
Or, maintenant que je me laisse tranquille et que j’achète tous les livres qui me tentent sans discriminer (ou pas trop du moins), je vois toutes les qualités des romans comme La papeterie Tsubaki.
Alignement des planètes
Une fois acquis le principe qu’en littérature, tout a déjà été inventé et écrit, que faire ? Accepter que dans les grandes voies narratives possibles connues, chaque écrivain travaille pour y trouver sa voie. Et en produisant un texte, il table que les planètes s’aligneront avec les lecteurs qui lui donneront sa chance.
On choisit un roman selon l’humeur, les valeurs, les envies du moment. Et le pari, du point de vue du lecteur, est réussi quand le roman répond effectivement à ce que l’on attendait. Pas parce qu’on connaît déjà la fin, heureusement que non ! Simplement parce que l’atmosphère, les personnages, l’histoire ont réussi à nous transporter.
Des vies ordinaires
Ce n’est donc pas perdre son temps que de lire des histoires à propos de personnages aux vies ordinaires, au sens où l’on peut toujours s’identifier à l’un ou à l’autre, ce qui reste difficile devant les aventures de, par exemple, Jason Bourne 😉
Mais ce n’est pas ce côté banal qui empêche le dépaysement ou la rêverie à la lecture. J’ai adoré comment Ogawa Ito prend le temps dans le récit de vraiment détailler les aspects concrets du travail d’écrivain public. Au-delà de l’inspiration créatrice pour rédiger ces courriers, il y a une vraie matérialité.
C’est l’importance et la signification de l’encre, du papier, du pinceau ou de la plume. De la mise en place aussi au moment d’écrire. C’est un métier à la croisée entre artisanat et art, et la façon de mettre à l’honneur ces aspects pratiques dans le texte m’a rappelé avec plaisir Monsieur Origami ou La relieuse du gué.
Finalement, cette lecture m’aura permis de réfléchir à ce qu’on peut attendre de chaque roman. Grand classique ou publication récente, ce sont toujours des histoires de deuil, d’amour, d’amitié, de travail… La vie en somme. Mais éclairée de la vision artistique particulière de chaque auteur. Bref, je crois à présent qu’il ne faut pas se priver de se laisser surprendre. On n’est jamais à l’abri de passer un super moment 🙂