Résumé
Dans le Mexique du début du siècle, en pleine tempête révolutionnaire, Tita, éperdument éprise de Pedro, brave les interdits pour vivre une impossible passion.
A cette intrigue empruntée à la littérature sentimentale, Laura Esquivel mêle des recettes de cuisine. Car Tita possède d’étranges talents culinaires : ses cailles aux pétales de roses ont un effet aphrodisiaque, ses gâteaux un pouvoir destructeur.
Un livre à dévorer
Dans ce livre de Laura Esquivel, rien que les titres de chapitres nous donnent l’eau à la bouche : petits pains pour Noël, chocolat et couronne des rois… On salive avant même d’entrer dans l’histoire. Chaque chapitre débute par une recette, à laquelle vient rapidement se mêler le corps du texte, faisant un mélange harmonieux entre les gestes techniques culinaires et le déploiement de l’intrigue.
Tita, le personnage principal, est née dans la cuisine familiale, la nourriture est devenue son credo de vie. C’est une façon de partager, de procurer des émotions aux gens. Et pour Tita, la cuisine accompagne sa vie et elle y verse ses émotions, parfois littéralement. En effet, ce roman flirte un peu avec une dimension magique, entre légendes et phénomènes inexpliqués. Par exemple, comment rationaliser le fait que les larmes versées par Tita dans le gâteau de mariage de sa sœur Rosaura, qui épouse le grand amour de Tita, aient rendu les invités malades de tristesse et de mélancolie ? Est-ce parce que Tita est au sommet de son art culinaire ? Y a-t-il une dimension réellement magique ? Chacun projette-t-il ce qu’il veut ressentir dans le plat devant lui ? Le lecteur peut faire son choix entre les différentes hypothèses, cette magie floue continuant de flotter au fil de l’histoire.
La mère comme figure écrasante
Ce roman, c’est aussi celui d’une époque. On découvre cette famille de femmes, gouvernées par la matriarche devenue veuve, revêche et autoritaire, qui envisage le destin de ses trois filles à leur place. Evidemment aujourd’hui cela rend le personnage de la mère pour le moins antipathique, mais elle est le produit de ce début du XXe siècle. On est dans une ferme, elle est veuve et il lui faudra l’une de ses filles pour l’aider dans le grand âge, ce sera Tita et ses merveilleux dons de cuisinières.
C’est ainsi qu’elle organise le mariage arrangé de son autre fille Rosaura avec Pedro, le grand amour secret de Tita. Le mari vient vivre au milieu de ces femmes, lui aussi fou amoureux de Tita. Mais les convenances et surtout la dureté de la mère ne laissent pas envisager quoi que ce soit entre eux, leur destin a été tracé. La seule qui va pouvoir s’échapper de cette emprise maternelle c’est Gertrudis.
Sous l’effet aphrodisiaque d’un plat que Tita a concocté en pensant à Pedro, Gertrudis bout de désir incontrôlé et va s’enfuir sans réfléchir avec un soldat révolutionnaire à travers la campagne. C’est la seule à sortir des cases prévues par la matriarche, même si c’est davantage la faute de la magie culinaire qu’un choix délibéré. Là où Rosaura souffrira toute sa vie de la relation rampante entre sa soeur et son mari, là où Tita sera le jouet des événements, Gertrudis prendra vraiment son destin en main.
Une passion contrariée
Bien sûr, ce roman est avant tout le récit de cet amour impossible entre Tita et Pedro. Là où d’autres échangent des lettres clandestines, les deux amoureux communient au travers de la cuisine de Tita. Elle se démène, se surpasse, pour le combler au moment des repas, personne ne pouvant lui reprocher quoi que ce soit, même si la sœur cocue n’est pas dupe.
Le lecteur suit, au fil du récit, les multiples péripéties et rebondissements qui jalonnent cette relation passionnelle hors du commun, magique même… La matriarche reste le principal obstacle entre les deux amants, et elle en fait baver à sa fille trop rebelle à son goût. Je dirai que la trame de cette histoire d’amour a peut-être un peu vieilli aujourd’hui, c’est désuet par certains aspects. Mais, en même temps, ce côté poussiéreux fait partie du charme du roman. Le lecteur se laisse bercer par les innombrables déconvenues des personnages, et toujours la cuisine typiquement mexicaine sert de toile de fond.
Dans la dernière partie du récit, les phénomènes magiques viennent prendre plus de place et c’est ce qui pique encore la curiosité du lecteur. On est avec un fantôme, une mort étrange etc. L’histoire est vraiment romanesque mais puisque cet univers, aux allures de far west, n’est pas le miroir fidèle de la réalité cartésienne, pourquoi ne pas forcer le trait aussi sur l’intrigue amoureuse ?
C’est un livre agréable à lire, sans prise de tête. Pour ma part c’était à la fin de l’automne, sous un plaid et avec un bon chocolat chaud épicé pas très loin. On accepte les excès pour profiter au maximum de l’atmosphère chaleureuse et enchantée mise en place par l’autrice.
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