Résumé
Tout a commencé avec la rencontre d’un chaton égaré. Une boule de poils vaporeuse accrochée de toutes ses griffes au grillage d’un collège près de Tôkyô.
Une chatte friande de sardines et de bonite aigre-douce, qui va s’introduire dans la vie de l’auteur pour très longtemps.
Mî va partager avec elle quatre-vingts saisons, la rendre sensible à l’odeur du vent, aux signes de la nature, à la température de la lumière, et accompagner chacune des transformations de sa vie. Car ce roman étoilé de poèmes est aussi celui d’une femme habitée par le désir d’écrire et qui, les yeux posés sur Mî blottie à ses côtés, va se transformer en écrivain.
Une résonance personnelle
Après avoir terminé le roman La péninsule aux 24 saisons de cette même auteure Mayumi Inaba, j’ai recherché d’autres textes d’elle. Et c’est ainsi que je suis tombée sur ce titre, 20 ans avec mon chat. Je n’ai même pas réfléchi, j’ai téléphoné à la librairie pour le commander aussitôt. L’année dernière, j’ai moi aussi perdu mon chat, à l’âge vénérable de dix neuf ans et demi.
Il était évident que ce roman me parlerait et me rappellerait des souvenirs.
L’auteure s’attache à retracer vingt ans de vie en commun avec son chat. Une vie de compagnonnage et de partages. Une vie forcément riche et intense.
L’animal de compagnie, ici le chat, est le témoin privilégié de tous nos bouleversements. Je ne pouvais que m’identifier presque à chaque ligne !
20 ans, c’est plus long que beaucoup de relations humaines, et souvent c’est un attachement plus profond aussi qu’avec quantité de personnes qui composent notre environnement.
Je trouve très beau d’avoir consacré un texte entier à son animal de compagnie. C’est une belle façon d’en faire le deuil, et en même temps de lui rendre un dernier hommage.
L’émancipation
Ce récit, c’est aussi celui d’un changement profond pour la narratrice. Dix ans après avoir recueilli ce petit chat, l’auteure choisit de divorcer et de vivre seule. C’est la réalisation de l’obsession de cette artiste de vivre libre. En cela, c’est un aspect incroyablement proche du thème développé par Kate Chopin dans L’Eveil. Des femmes fortes qui veulent se révéler à elle-même. Et aussi, pour le cas qui nous occupe ici, se développer en tant qu’artiste. L’indépendance semble être le terreau indispensable à la création artistique.
Le chat en Art
Et peut-être que dans une certaine mesure le chat aussi est nécessaire pour créer 🙂 On pense tout de suite à Charles Baudelaire bien sûr, amoureux des chats s’il en est. Il leur a consacré des poèmes magnifiques. Pour tout cat lover, ses poèmes révèlent la nature profonde de ces petits félins qui acceptent de vivre avec nous mais en gardant leur jardin bien secret.
Pour autant, devant le texte produit par Mayumi Inaba, c’est plutôt au peintre des années folles Foujita que j’ai pensé. Car l’artiste qui laisse le plus de place, non pas aux chats en général, mais à son chat, c’est lui. Son compagnon à quatre pattes se retrouve dans de très nombreux autoportraits de Foujita, aussi nécessaire que les pinceaux ou le papier.
Et les moments de partage que décrit Mayumi Inaba dans son récit revêtent, selon moi, la même signification. La chatte Mî, qui n’est jamais loin lorsqu’elle travaille, qui se laisse aussi photographier tout au long de sa vie, etc. L’amour que l’on porte à ce compagnon de vie est sublimé lorsque le maître est un artiste…
La fin de vie
C’était déjà une impression que j’avais eu en lisant La péninsule aux 24 saisons, que l’auteure avait le courage d’affronter sans fard les aspects les plus tristes de l’existence. Ce texte traduit la même résilience. Lorsque la chatte commence à avoir des problèmes de santé, j’ai senti mon estomac se nouer.
Car l’auteure n’a pas choisi d’accorder plus de place à la jeunesse du chat pour ensuite pousser sous le tapis et expédier les dernières années difficiles qui annoncent une fin que personne ne veut vraiment envisager.
Les années de vieillesse de Mî ont le droit d’exister, autant que ces moments de jeux de chaton. C’est honorer jusqu’au bout un animal pour qui la narratrice est vraiment devenue indispensable. Car c’est à partir des difficultés de santé que le chat accepte que nous soyons tout pour lui. Les rendez-vous chez le vétérinaire, les soins quotidiens à apporter et les désagréments à supporter au quotidien… Des pages d’autant plus difficiles à lire que l’on a vécu la même chose.
Ces pages sont aussi une réflexion sur les engagements qui découlent d’un animal de compagnie. La maladie et la fin de vie sont à prendre en compte. Car des maladies chroniques peuvent durer des années, se dégradant petit à petit. Et ce n’est pas le moment de baisser les bras. Autant on a aimé câliner le jeune chat fougueux, autant il faudra être là pour lui jusqu’à sa fin…
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