Résumé
J’avais été au cinéma, j’étais rentré et je m’étais mis au lit avec un grog au rhum et le dernier Simenon. C’était tellement mon idée d’une soirée confortable que je ne parvenais pas à comprendre le sentiment de malaise qui s’amplifia en moi au point que je pouvais entendre les battements de mon cœur… Le sentiment que l’on m’épiait. Que quelqu’un était dans la chambre. Puis il y eut une succession de coups secs sur la vitre, une apparition d’un gris spectral. Je renversai le grog. Il me fallut un certain temps avant que je me décide à ouvrir la fenêtre et à demander à Miss Golightly ce qu’elle voulait. L’histoire de Holiday Golightly, la cover-girl incarnée à l’écran par Audrey Hepburn.
Le roman avant le film
Bien sûr, ce titre Petit déjeuner chez Tiffany est passé à la postérité. Mais ne pense-t-on pas en premier au film plutôt qu’à l’œuvre originale, ce roman de Truman Capote ? C’est encore l’âge d’or d’Hollywood, et la star parmi les stars, Audrey Hepburn, va figer les traits de Holly pour l’éternité. Puisqu’on a le film à disposition, plus d’intérêt à relire le livre ?
Comme bien souvent, si, il est important de lire ce roman, ne serait-ce que pour comparer avec l’histoire modifiée du film 😉
Holly Golightly, le pseudo parfait
Le narrateur nous raconte donc sa rencontre puis son amitié avec sa voisine du dessous. C’est à New York pendant la Seconde Guerre mondiale. Il faut quand même passer outre le fait que le narrateur observe Holly aller et venir et en apprend plus sur elle en fouillant ses poubelles au début… Bref, une autre époque, n’est-ce pas ? Une époque aussi où pour un auteur américain, il est normal de ramener tout un chacun à sa race et le vocabulaire inique qui va avec…
Mais je reviens sur le personnage de Holly. Je pense que majoritairement et grâce à Hepburn, on a une idée biaisée du personnage. Une femme charmante, vivant dans un tourbillon de fêtes etc. Mais en relisant le texte, je me suis attachée à d’autres détails. Ainsi Holly a dix-neuf ans quand débute le récit, donc encore mineure pour les Etats-Unis. Sa vie est celle d’une escort, accompagnant à droite et à gauche des hommes bien plus vieux qu’elle, qui lui paieront le taxi, des cadeaux, etc… Ses deux voisins fantasment plus ou moins sur elle, le photographe pour un genre précis de photos, le narrateur pour la suivre partout et finalement en tirer un récit.
Holly est donc une femme qui s’est réinventée très jeune et dans le style de vie presque inévitable pour quelqu’un comme elle, qui ne veut pas rentrer dans des cases et cherche l’indépendance avant tout.
Fuir les cages
Mariée à peine adolescente, mère de substitution pour ses frères et sœurs, quel aurait été le destin de Lulamae si elle ne s’était pas enfuie pour devenir Holly Golightly ? Holly qui déteste les cages, du mariage, des relations amoureuses possessives, les zoos. Et qui, de ce fait, n’aura d’autre choix que fuir à nouveau devant la perspective de la prison.
Truman Capote fait le portrait léger d’une âme forte et déterminée. Une jeune femme engagée dans une fuite en avant, n’ayant jamais posé ses valises. Elle tend vers un ailleurs, meilleur, plus rassurant, plus tout. Dans cette quête éperdue, tous ces hommes qui gravitent autour d’elle ne sont que des moyens pour avancer un peu plus loin.
Un souvenir vivace
C’est d’ailleurs amusant de voir à quel point les ressentis diffèrent entre elle et eux, les hommes autour d’elle. Tandis que Holly n’est que de passage, prend ce qu’il y a à prendre puis s’en va plus loin, le souvenir qu’elle laisse en devient presque une obsession. Vingt ans après, le photographe croit la reconnaître dans un portrait de statue en bois en Afrique, il en parle au barman tenant le café de leur ancien quartier, lui-même appelle le narrateur aussitôt. Il s’agit d’évaluer les chances que ce soit bien elle, ce qu’elle a pu devenir, etc. Elle a disparu brusquement des décennies plus tôt, mais ils lui courent encore tous après. Holly qui se trouvait des points communs avec les bêtes sauvages en liberté, elle a clairement réveillé l’instinct de prédation des hommes. Devant l’impossibilité de posséder, on rêve, on s’accroche… Qui est le plus écervelé dans cette histoire ?
Tiffany ou la métaphore de l’ambition
Holly Golightly est un personnage ambitieux. Elle veut se donner les moyens d’atteindre son rêve. C’est ce qu’incarne sa relation avec le politicien brésilien. Elle est prête à tout, même jouer à la fée du logis pour s’assurer le mariage et donc une position prestigieuse et privilégiée dans la vie. Le genre de position qui lui permettra de ne plus simplement passer devant la vitrine, mais d’entrer enfin chez Tiffany.
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