Résumé
Lorsque Anne Elliot et Frederick Wentworth se rencontrent, ils tombent amoureux et se fiancent secrètement. Mais la marraine de la jeune femme le considérant peu convenable, la persuade de mettre fin à cette union. Après avoir fait fortune dans la Marine, Wentworth, devenu capitaine, revient en Angleterre et croise à nouveau Anne après des années de silence. Le temps, les non-dits et les incompréhensions auront-ils raison de leurs cœurs ?
Mes impressions
Est-il encore besoin de présenter ce chef-d’œuvre de la littérature anglaise, maintes fois adapté à la télévision comme au cinéma ? Je suis une inconditionnelle de Jane Austen. Chacun de ses romans met en avant des facettes différentes de son époque, tout en donnant aux lecteurs (ou devrais-je dire lectrices ?) ce qu’il s’est écrit de plus beau et de plus subtil comme histoire d’amour.
Le roman de la maturité ?
C’est le roman écrit à la fin de la vie de l’autrice, gravement malade, et qui a été publié après son décès. Jane Austen l’avait achevé mais non entièrement repris et corrigé. Mais l’avantage avec les très grands écrivains, c’est que ça ne se sent pas du tout à la lecture ! Tout au plus j’ai l’impression que c’était peut-être le récit de la maturité pour elle. Car on ressent une mélancolie qui n’est pas présente dans ses autres romans.
Certes on a déjà pu avoir des textes empreints d’une certaine gravité mais jamais comme dans Persuasion. Ici, déjà le contexte historique s’invite dans le texte. En effet, le récit se développe au moment des guerres napoléoniennes, ce qui transparaît par touches succinctes. Ne ce serait-ce que par le nombre d’hommes engagés dans la marine ! Et les sentiments amoureux, aussi bien ceux du couple de personnages principaux, Anne et Wentworth, que ceux des personnages secondaires sont comme voilés.
Chacun fait preuve de pondération, les souffrances engendrées semblent porter très longtemps et laissent des cicatrices. Ce n’est pas l’amour romanesque de Raison et Sentiments ni l’amour triomphant de Orgueil et Préjugés. Dans Persuasion, Jane Austen invite plutôt son lecteur à prendre conscience de la profondeur que peut atteindre l’amour. Pour moi, cela s’incarne dans une seule phrase, peut-être parmi les plus célèbres du texte. “You pierce my soul”, vous transpercez mon âme… La lettre de Wentworth à Anne est vibrante du début à la fin mais cette phrase incarne selon moi le caractère vital que peut revêtir l’amour chez une personne. On touche à l’inexplicable, bien au-delà de tout raisonnement réfléchi.
Une figure féminine à part
Ce roman tient une place un peu différente des autres aussi par la construction de son personnage principal, Anne Elliott. En effet, à rebours de toutes les autres héroïnes austiennes, Anne n’est pas jeune, plutôt jolie et faisant face à son avenir avec un certain degré de confiance. Non, Anne est à la limite d’être vieille fille, ses sœurs et son père ne la considèrent pas à sa juste valeur, parce qu’elle ne s’est pas mariée. Son avenir tout tracé c’est de servir d’infirmière à son père et de nounou à ses sœurs. Et Anne semble s’y être résignée. Il n’y a pas de volonté de sa part de se rebeller contre son destin.
Est-ce une façon de se punir elle-même pour avoir rompu ses fiançailles avec Wentworth huit ans auparavant ? Elle l’a fait pour suivre les conseils de Lady Russell, une figure maternelle pour elle. Mais elle a toujours regretté son choix. Son amie avançait que le jeune homme ne gagnait pas assez bien sa vie, n’avait pas de perspectives de carrière intéressantes etc. Des arguments qui n’ont pas pris une ride dans notre société !
L’amour au-delà des conseils avisés
Jane Austen a toujours prôné dans ces romans la nécessité pour les jeunes filles de chercher à bien s’établir, avec un époux stable économiquement parlant. Il est donc opportun que huit ans plus tard, Wentworth ait avancé jusqu’au grade de capitaine dans la marine ! Ce récit incarne aussi la victoire de la constance et de l’attachement presque viscéral entre Wentworth et Anne. Passées les rancœurs, les blessures d’orgueil ne restent que les sentiments intacts qu’ils entretiennent l’un pour l’autre.
Au-delà de l’intrigue amoureuse, Jane Austen est aussi une portraitiste incroyable de son époque et des types humains. Comme le fera Balzac, ou les naturalistes, elle épingle déjà, au tout début du XIXe siècle, les travers de l’être humain. Les petites bassesses, les défauts sont illustrés mais toujours avec humour, une autre grande caractéristique de cette autrice. On peut penser au personnage du père de Anne, Sir Elliott, complètement obnubilé par son titre de petit noble et sa vanité sans borne qui atteint son paroxysme dans la ville de Bath, le lieu de villégiature à la mode de l’époque.
Persuasion a toutes les qualités que le lecteur peut rechercher chez Jane Austen, mais ce roman ouvre un peu plus la palette des émotions, donnant une profondeur certaine à l’intrigue.
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