Résumé
Islande, 1963. Hekla, vingt et un ans, quitte la ferme de ses parents et prend le car pour Reykjavik. Il est temps d’accomplir son destin : elle sera écrivain. Sauf qu’à la capitale, on la verrait plutôt briguer le titre de Miss Islande. Avec son prénom de volcan, Hekla bouillonne d’énergie créatrice, entraînant avec elle Ísey, l’amie d’enfance qui s’évade par les mots ― ceux qu’on dit et ceux qu’on ne dit pas ―, et son cher Jón John, qui rêve de stylisme entre deux campagnes de pêche… Miss Islande est le roman, magnétique et insolent, de ces pionniers qui ne tiennent pas dans les cases. Un magnifique éloge de la liberté, de la création et de l’accomplissement.
Une lecture surprise
J’ai tout bonnement adoré ce roman ! Ava Olafsdottir Audur réussit ici un coup de maître. Elle nous livre des personnages profonds et complexes, dans des moments de leur vie compliqués ou charnière. Le tout à la lumière d’une écriture féministe. Tous les ingrédients sont donc réunis pour former un roman dont on se souvient !
Et parlons aussi du titre. Là aussi, quelle idée maligne et quelle surprise. Miss Islande c’est concis mais forcément extrêmement connoté et forcément avant même d’entamer la lecture, on remplit l’espace mental d’idées sur ce que ce récit peut être, doit être.
Sauf que pas du tout ! Oui l’héroïne est belle et certains la verraient bien participer au dernier concours de bestiaux dont les résultats sont suivis dans tous les pays… Mais Hekla n’a-t-elle pas mieux, beaucoup mieux à faire ?
Les Sixties
Et puis l’époque choisie participe aussi beaucoup à faire souffler un vent de fraîcheur. On est donc projetés au début des années soixante en Islande, mais chacun peut y retrouver les marqueurs occidentaux communs à travers les pays. Le style de musique, les mini-jupes, la liberté (quoique ?) pour les femmes, des relations amoureuses plus libres.
On imagine sans peine les décors, l’allure des personnages, pour les avoir vus souvent dans des films notamment. Et puis avec ce thème des femmes, de leur volonté et de la place des concours de beauté, j’ai aussi pensé à un film avec Keira Knightley. Sorti en 2019, Miss Revolution aborde également ces thématiques et pratiquement à la même époque.
La Création avec un grand C
Mais Hekla a d’autres projets que de sourire en se dandinant pour Miss Islande. Hekla est poétesse et écrivaine, avec certains textes déjà publiés. Et elle ne compte pas s’arrêter en si bon chemin !
J’ai vraiment aimé la détermination calme de ce personnage. Rien ou presque ne la fait vaciller et elle ne perd jamais son objectif de vue. C’est un électron libre, retranché dans sa bulle mentale de création artistique.
Face à cela, travailler n’est que le moyen de se maintenir, de payer un loyer et de subvenir à ses besoins primaires. L’important est ailleurs… Et ça fait du bien ce personnage qui a le courage de ses convictions. Exit les préceptes modernes axés principalement sur le salut par le travail salarié. Et rebonjour les carrières façon XIXe siècle romantique ou Belle Epoque. Des moments où les artistes prenaient leur temps pour exister et pour produire leur art.
Des personnages au premier plan
Au fil de la lecture, on se demande aussi plusieurs fois qui est vraiment le héros de cette histoire. Hekla donc ? Dans sa quête artistique ? Ou serait-ce plutôt ses deux meilleurs amis Jon et Isey ? Pour l’anti-héros, le choix est vite fait, le petit ami de Hekla endosse ce rôle.
Il est la caricature de ces hommes de targuant d’être écrivain ou poète mais qui accorde finalement bien moins de temps à l’écriture qu’à la beuverie. Sympathisant socialiste, il applique pourtant très bien tous les principes machos de base dans sa vie privée. Attendant la popote, le mariage, pas d’amis masculins pour sa compagne… Un condensé de clichés pourtant si répandus même longtemps après les années 60 !
Jón John est un personnage magnétique dans ce roman. Homosexuel dans un pays et une époque qui criminalise cette orientation sexuelle, on le voit chercher par tous les moyens à dépasser cette réalité merdique. Mais l’exil suffit-il pour se débarrasser des préjugés ? Son amitié avec Hekla est d’une profondeur rare, on en sent la puissance dès que les personnages se retrouvent ensemble.
Pour moi, c’est Isey qui m’a le plus bouleversée dans le récit. La meilleure amie de l’héroïne donc, tombée enceinte trop vite, mariée dans la foulée pour qu’il n’y ait pas de scandale. Mais que peut produire une série d’événements pareils sur une jeune femme qui aspirait à autre chose ? Mère au foyer sans emploi et sans personne, Isey essaie de surnager malgré tout. Elle se bat dans son coin, se confie uniquement à Hekla. Mais pour combien de temps ?
Miss Islande est un roman passionnant, émouvant, un livre qu’on ne veut plus lâcher.