Résumé
L’inventaire des rêves, c’est avant tout la naissance de quatre grandes héroïnes, quatre femmes puissantes venues d’Afrique de l’Ouest dont les destins et les rêves se croisent. Chiamaka est une rebelle qui a déçu sa famille huppée du Nigeria, car au mariage avec enfants elle préfère vivre de sa plume, sans attaches. Mais est-ce vraiment son rêve ? Sa meilleure amie Zikora, qui a toujours voulu être mère, réussit à trouver le parfait alter ego, mais sera-t-il à la hauteur ? Quant à Omelogor, cousine de la première, femme d’affaires brillante, elle rêve de combattre les injustices faites aux femmes et plaque tout pour reprendre des études aux États-Unis.
Et puis il y a Kadiatou, domestique adorée de Chiamaka, fine cuisinière et tresseuse hors pair. Son rêve américain se réalise quand un hôtel de luxe l’embauche comme femme de chambre, pour le meilleur et surtout pour le pire. Les rêves des femmes seraient-ils plus difficiles à atteindre ?
Le retour tant attendu
Quelle surprise lorsque j’ai vu annoncée la sortie imminente du nouveau roman de Chimamanda Ngozi Adichie ! Plus de dix ans après Americanah, j’avoue que je n’y croyais plus 😀
C’est incontestablement l’une des mes autrices préférées. Tant par sa plume, que par la voix qu’elle porte dans l’espace public. Une voix forte en faveur du féminisme et de l’importance de la littérature dans nos vies. Entre le succès mondial de son roman Americanah et son manifeste féministe We should all be feminist, son discours porte à travers de nombreux pays. Et c’est d’autant plus un tour de force puisqu’elle n’est pas occidentale. Originaire du Nigéria, elle partage sa vie entre ce pays et les Etats-Unis. Et cela fait vraiment du bien d’entendre quelqu’un qui nous permet, à nous l’Occident collectif, de nous décentrer de notre petit nombril.
De prendre en compte d’autres regards, d’en apprendre et de s’ouvrir. Il y a de très nombreuses interviews de Chimamanda Ngozi Adichie disponibles en ligne, je vous encourage vivement à en regarder une ou deux !
Les femmes au coeur du livre
Dans ce nouveau roman L’inventaire des rêves, l’autrice nous plonge donc à la découverte que quatre femmes interconnectées mais très différentes. Mais nous ne sommes pas pour autant dans le roman de plage girly, facile, cliché, téléphoné. Loin de là.
Et pour une simple raison selon moi : les femmes dans ce récit sont de vraies femmes. J’entends par là qu’elles sont multidimensionnelles, elles ne sont pas “parfaites” mais elles ne sont pas non plus cantonnées à être faibles ou fragiles. Et pour pousser encore l’antagonisme avec les trop nombreuses soupes girly publiées, je pourrais ajouter qu’elles ne sont pas blanches. Ce n’est finalement pas si courant de faire de femmes noires ou racisées les héroïnes des romans.
On n’attend pas le prince charmant pour les secourir, il n’y en a pas besoin. Ce sont des êtres humains solidement ancrés sur leurs deux jambes, qui construisent ou affrontent leur destin.
Dans un sens, j’ai un peu pensé au roman de Marie Ndiaye Trois femmes puissantes, en achetant ce livre. On a ce point commun de femmes complexes et fortes aux prises avec la vie. Mais finalement la comparaison ne peut pas aller plus loin, le ton, la dynamique et le style de chacune des autrices étant tout à fait différents.
Le contexte de la pandémie de 2020
Je me suis rendue compte que c’était sûrement le premier roman que je lisais qui utilisait pour cadre la pandémie de covid19. C’était il y a déjà cinq ans… Mais retrouver l’angoisse de ne rien savoir, les informations parcellaires… Et les visioconférences comme seul outil pour contrer la solitude… Ça fait quelque chose. En même temps que les personnages, on se replonge dans ses propres souvenirs de ce moment terrible et pétrifiant.
Le regard sur les Etats-Unis
C’est aussi le sel et la pertinence de ce roman que de proposer un regard dépassionné sur la réalité de ce pays que sont les Etats-Unis. L’écrivaine pointe du doigt pour nous les mythes et légendes qui ne résistent pas à l’épreuve de la réalité. C’est le cas avec le personnage de Kadiatou bien sûr, mais aussi avec Omelogor. Cette Nigériane qui reprend des études aux USA et se prend de plein fouet l’orthodoxie langagière qui rampe parmi les étudiants qui se définissent comme woke.
Ce n’est pas une critique du wokisme attention. C’est la mise en lumière de l’esprit étriqué que peuvent avoir les Américains, incapables de se souvenir qu’ils ne sont qu’un peuple parmi d’autres, qu’une vision parmi d’autres et que leurs combats ne sont parfois par directement transposables à d’autres pays.
Le post de blog d’Omelogor en fin d’ouvrage est à ce titre un véritable uppercut pour la société américaine et sûrement l’un de mes passages préférés 😂