Résumé
En ce ténébreux mois de novembre, la narratrice voit son mari la quitter sans préavis et sa meilleure amie lui confier son fils de quatre ans. Qu’à cela ne tienne, elle partira pour un tour de son île noire, seule avec Tumi, étrange petit bonhomme, presque sourd, avec de grosses loupes en guise de lunettes. Avec un humour fantasque et une drôlerie décapante, l’Embellie ne cesse de nous enchanter par cette relation cocasse, de plus en plus attentive, émouvante entre la voyageuse et son minuscule passager. Ainsi que par sa façon incroyablement libre et allègre de prendre les fugaces, burlesques et parfois dramatiques péripéties de la vie, et de la vie amoureuse, sur fond de blessure originelle. Et l’on se glisse dans l’Embellie avec le même bonheur immense que dans Rosa candida, en une sorte d’exultation complice qui ne nous quitte plus.
Un décor magistral
Ce qui m’a avant tout frappée dans ce roman, c’est le décor. L’autrice Ava Olafsdottir Audur nous plonge littéralement dans le noir. Le noir de l’île volcanique qu’est l’Islande. Le noir de la nuit de novembre si près du Pôle Nord. Avec la fugacité du personnage qui aperçoit le soleil à midi. Et le personnage principal aussi est dans le noir. Dans le noir, dans le brouillard dans sa vie.
Et, pour moi, il y a du noir aussi dans les nombreuses rencontres animales au cours du voyage. Quand je vois le résumé officiel qui parle de drôlerie, de burlesque… Parfois j’ai la sensation de ne pas avoir lu le même roman. Ou bien peut-être que je suis passée à côté. Tout simplement. Mais moi, les accidents d’oie, de mouton, de baleine échouée etc… Ca m’a plutôt refroidie 😂Et ça a jeté une ombre sur le récit.
N’aimant pas cette période des jours qui raccourcissent, je pense que ce récit m’a ramenée sans cesse à cette idée.
Une héroïne très identifiable
Ainsi donc, pourquoi me suis-je lancée, en plein mois de novembre moi aussi, dans cette lecture ? Car avec Ava Olafsdottir Audur j’étais sûre d’accrocher avec le personnage principal. Comme dans Rosa Candida ou Miss Islande, l’autrice propose une vision très reconnaissable.
Ce sont des femmes libres, ou aspirant à la liberté. Des femmes non conventionnelles selon les normes étriquées de la majorité des gens. Mais ce sont aussi des femmes fortes, indépendantes et qui révèlent le féminisme de l’autrice.
Pour le coup, l’un des passages qui m’a le plus amusée est dans cette veine. Lorsque l’ex-mari donne une montre à la narratrice et qu’elle comprend le rôle qu’il attend d’elle. Il lui explique comment lire l’heure. Et il trouve naturel qu’elle le laisse faire, dans son rôle féminin. Du mansplaining dans toute sa stupidité 🙂
J’aime beaucoup l’écriture de Ava Olafsdottir Audur pour ses personnages féminins. Il en émane de la grâce, de l’indomptabilité et un certain détachement vis-à-vis du monde. Cela les rend particulièrement attachantes.
Un duo improbable
Bien sûr, c’est le cœur de ce roman. Cette paire mal assortie de la narratrice et son protégé de quatre ans. Un duo qui est d’autant plus improbable que la narratrice ne veut pas d’enfant. C’est en partie la raison invoquée par son mari pour le divorce. Même si rien n’est aussi simpliste et linéaire dans ce texte. Peut-être même pas le non désir d’enfant de la narratrice.
Cette posture de ne pas souhaiter d’enfant a quelque chose d’explosif en elle-même. Cela ne devrait pas être le cas. Chacun fait comme il veut, ne pas juger, etc. Mais, la plupart des gens se permettent quand même de juger ces femmes sans enfant par choix. Des égoïstes, des créatures contre-nature, des monstres sans cœur évidemment. Il est à peine audible dans nos sociétés que ce soit un choix conscient, réfléchi et parfaitement heureux. Quelle qu’en soit la raison.
L’autrice rend donc son héroïne de ce petit enfant, le temps que sa meilleure amie termine sa grossesse compliquée alitée à l’hôpital. La narratrice avait prévu de partir en voyage vers l’est de l’île et cette responsabilité ne l’arrange qu’à moitié.
Mais pour autant, elle ne va pas renoncer à son périple. Elle va simplement y intégrer ce petit bonhomme.
Un enfant qui a sûrement des choses à lui faire voir différemment, qui pourra peut-être lui donner envie de partager des activités ensemble. Elle qui ne s’y voyait pas du tout. Mais attention, ce n’est pas le livre de la conversion en route pour Damas. Il n’y a pas une grande révélation sur la maternité. L’état de mère, le plus beau qui soit, le destin des femmes etc. Non. L’autrice ne déroge pas d’un pouce à son ambition. Livrer un roman intime sur la vie intérieure de sa narratrice. Les failles du passé qui affleurent, les envies pour l’avenir, la volonté de continuer de l’avant. Même divorcée, même seule.