Résumé
26 avril 1478. Lorenzo de Médicis dit Laurent le Magnifique réchappe de peu à l’assassinat qui le vise, lui et sa famille, dans la cathédrale de Florence lors de « La Conjuration des Pazzi ». Cet événement, qui marque profondément les Florentins, inspire les artistes de l’époque. Cependant, seul le peintre Pierpaolo Masoni semble avoir saisi la nature véritable du crime.
De nos jours. Ana Sotomayor, étudiante en art, se rend à Florence pour ses recherches sur La Madone de Nivole de Masoni. Elle découvre alors ses manuscrits et se prend de passion pour cette sombre affaire de meurtre. Que s’est-il passé à Florence ce jour-là? Qui était dans la confidence de cette trahison ? Et surtout, qui est le « troisième homme », fomenteur du complot contre les Médicis ? Cependant, Ana est loin de se douter qu’en se lançant dans cette enquête, elle va devenir la cible d’une police parallèle et des hommes de main du Vatican.
Le contexte historique
La grande richesse de ce roman de Susana Fortes est évidemment de s’appuyer sur des faits historiques, la fameuse conjuration des Pazzi.
En cette fin de XVe siècle, l’Italie est morcelée en une multitude de pouvoirs locaux. Des cités-Etats, comme Florence, de royaumes, comme celui de Naples, de terres sous l’autorité du souverain Pontife. A Florence, qui a été longtemps une République, c’est la famille des Médicis qui gouverne. C’est un moment de changement de régime politique, de la République on va passer à un pouvoir oligarchique autoritaire.
Et c’est ce changement de régime qui ne passe pas. En effet, ce pouvoir concentré entre les mains des Médicis à l’exclusion des autres familles puissantes de la ville va déclencher la rébellion. La formation de cette conjuration dite des Pazzi, du nom de la grande famille rivale des Médicis.
En effet, les Pazzi, leurs alliés florentins mais aussi avec le soutien de souverains hostiles à Laurent de Magnifique, que ce soit le Pape Sixte IV ou le roi d’Aragon, mettent sur pied ce projet d’assassiner Laurent et son frère pour prendre le pouvoir à leur place.
La conjuration va échouer et la répression qui suit sera terrible. Pour autant, encore aujourd’hui, tous les conjurés ne sont pas clairement identifiés.
Un polar via le prisme de l’art
L’auteure dévoile ce qu’il s’est passé ce fameux dimanche 1478 à travers le récit écrit qu’en a fait le peintre Masoni. Aussitôt, l’atmosphère de chaos et de violence saute aux yeux du lecteur. On se retrouve au milieu de l’action, aussi abasourdi que le peintre qui en a été témoin. Ainsi, le récit va osciller ainsi entre la Renaissance et l’époque contemporaine où le personnage principal, Ana, mène sa propre enquête.
L’art n’est pas que la toile de fond du récit. Ce roman est vraiment l’occasion de découvrir ce peintre moins connu que certains de ses contemporains, Botticelli ou Léonard de Vinci pour ne citer qu’eux, de découvrir aussi le travail en atelier. Comment il fallait procéder pour obtenir les pigments des couleurs, les techniques de peintures etc. Le lecteur voit cette époque de bouillonnement artistique et culturel prendre forme au fil du récit et c’est ce qui fait le sel du texte, au-delà de la simple enquête policière.
Une enquête policière palpitante
Ce n’est pas une pure énigme de l’esprit, ce à quoi s’attaque le personnage principal. Pour un crime vieux de plusieurs siècles, le lecteur va pouvoir constater que le dossier de cette conjuration des Pazzi est toujours brûlant. On se laisse mener par l’écriture paisible et érudite de Susana Fortes et on va de surprises en incompréhensions concernant les conjurés. Ce livre est un vrai page turner.
Ce qui est aussi appréciable, c’est que l’auteure n’a pas dénaturé le travail de recherche scientifique au profit de l’enquête. Ana n’est pas détective privé ou autre. Elle avance dans son enquête en consultant les archives, en épluchant les moindres écrits du peintre Masoni témoin de l’attentat. Et ce rythme lent, qui suit ce travail de fourmi minutieuse, renforce grandement l’atmosphère inquiétante du roman. Dans un crescendo parfaitement maîtrisé, le lecteur va se mettre aux aguets. Sans même trop savoir pourquoi dans les premiers temps.
Le quotidien de la Renaissance
La force de cet ouvrage réside aussi beaucoup dans les nombreuses descriptions de la ville et des coutumes de Florence au XVe siècle. Un chapitre sur deux, le lecteur suit la vie quotidienne du peintre Masoni au cœur de la Cité-Etat. L’auteure en profite pour faire revivre cette époque mythique. Elle nous transporte pour assister aux cérémonies religieuses, pour suivre dans les rues Masoni et son assistant, voir Laurent le Magnifique dans ses appartements… C’est une ode à la ville de Florence, passée et présente.
Des questions sans réponses ?
Sans faire des révélations malvenues, la dernière partie de l’ouvrage m’a beaucoup plu. Et ce grâce aux choix de l’auteure pour trouver un équilibre entre la réalité historique et le dénouement de son enquête de fiction. C’est un livre captivant de bout en bout !