Résumé
Un matin, un homme mystérieux et massif frappe à la porte de l’atelier du gué. Il vient confier pour rénovation un livre ancien, une curiosité, relié à l’allemande. Dans une ruelle de Dordogne qui fleure bon les mots de Cyrano, la jeune relieuse tombe sous le charme du livre. Et du messager qui le lui a apporté.
La mise au vert idéalisée
L’héroïne du roman, Mathilde, s’est récemment mise au vert en Dordogne. la parisienne connectée, travaillant au Quai d’Orsay, a tout quitté pour ouvrir son atelier de reliure dans un village de campagne.
Ce motif littéraire est déjà connu mais fonctionne toujours aussi bien. Loin de l’agitation et du stress parisien, cette CSP+ retrouve du sens à sa vie en travaillant de ses mains. Comme son grand-père avant elle, elle a choisi de devenir relieuse, soit restauratrice de livres. Un métier de l’artisanat, nécessitant de prendre son temps, de ne pas courir partout, de ne pas sans cesse être interrompu. D’ailleurs, elle n’a pas de portable non plus.
Mathilde a donc adopté cette vie de village où, pour coller à l’idéalisation littéraire, l’installation s’est très bien passée.
Pas d’a priori sur la parisienne qui débarque dans une communauté qui, pour la majorité, a grandi là. Pas de réserves de la part de la part des habitants. Il existe même une solidarité sans faille entre tous les artisans du village. Tout le monde se serre les coudes et s’entraide, la vision citadine de la campagne 🙂
Une ode à l’artisanat
Au-delà du personnage principal et de son métier de relieuse, tous les personnages secondaires sont aussi des artisans. Le boulanger, l’horloger, le cordonnier etc. C’est sans doute ce que j’ai plus apprécié dans ce roman, la mise en valeur du travail des petits artisans. L’autrice Anne Delaflotte Mehdevi a été elle-même relieuse un temps et cela se ressent dans ses pages.
Il y a beaucoup de descriptions détaillées, pour les personnages, les lieux mais aussi pour le travail de l’héroïne dans son atelier. L’ambiance est tout de suite posée, perceptible. Au fil de la lecture, c’est très agréable d’avoir l’impression de pouvoir toucher les vieux livres, de les sentir. On peut sentir le cuir des couvertures, sentir leur odeur, l’odeur de la colle… On veut toucher les pages fines comme du papier à cigarette. Lorsqu’elle décrit le travail de la dorure, l’éclat de l’or rehausse dans l’imagination toutes ces teintes de caramels, de bruns, de blanc laiteux. L’auteure emploie les termes techniques, laissant le lecteur imaginer… ou bien prendre le temps d’aller se renseigner. En tout cas, ce choix de la reliure de livres n’est pas juste une toile de fond, on accompagne Mathilde dans son travail, on se sent immergé.
Une intrigue mystérieuse
Ce jeune homme tourmenté qui vient déposer un livre à restaurer intrigue dès sa présentation. Pourquoi tient-il autant à ce livre ? Pourquoi est-il si angoissé ? Jusqu’à faire un malaise dans l’atelier ? Le livre en lui-même intrigue la relieuse aussi. Un livre ancien, relié à la manière allemande, qui sent la fumée. Pas le genre de commande que l’on voit tous les jours. Et le mystère s’épaissit lorsque le client est retrouvé mort. Une mort mystérieuse et qui bouleverse Mathilde.
A-t-elle eu le coup de foudre pour cet homme ? Ou est-elle simplement sous le choc de l’avoir à peine rencontré et d’en apprendre le décès brusque ? Le livre lui reste sur les bras. Un livre qui n’a sans doute pas révélé tous ses secrets…
Sans papiers d’identité sur lui au moment de sa mort, impossible d’identifier le client décédé. C’est ce qui va pousser Mathilde à tenter de percer au jour l’intérêt de ce livre, pour en retrouver le propriétaire.
Une sorte d’enquête personnelle se met en place, sans crime ni coupable apparents. L’héroïne part de ce qu’elle connaît, le livre, sa fabrication et son contenu étonnant pour remonter la piste. En s’appuyant sur la mémoire des gens du coin, elle espère arriver à des réponses.
Mais ses interrogations finissent par gêner, tout n’est pas parfaitement idyllique dans ce cadre campagnard. La survie de l’atelier est bientôt en jeu. Des rumeurs se répandent, la relieuse est-elle liée à la mort du jeune homme ? C’est un aiguillon supplémentaire pour le personnage d’arriver au fin mot de l’histoire.
Un roman empreint de mélancolie
Une mélancolie certaine se dégage de ce récit. Du destin tragique du jeune homme, longtemps sans identité et en attente à la morgue, en passant par la quête de Mathilde. Et jusqu’où celle-ci la mènera-t-elle ? Connaître les réponses est-ce que ça équivaut à une forme de justice ? L’héroïne tente de retracer les derniers jours de son client si particulier. Elle y gagnera des rencontres, à toute chose le malheur est bon comme dit le proverbe.
C’est un roman élégant qui nous tient en haleine. De manière plus subsidiaire, j’ai aussi aimé que dans ce texte, l’objet livre soit décrit avec autant de soins.
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