Résumé
Armand et Marguerite vivent un amour immense qui survit à tous les obstacles et à toutes les tromperies. Le père d’Armand interdit cet amour inconvenant. Mais rien n’aura empêché le bonheur d’aimer, la virginité retrouvée, l’argent et les conventions dédaignés. L’amour véritable, c’était pour Marguerite l’espoir, le rêve et le pardon de sa vie. Tout lui fut donné, mais à quel prix !
Inspiré de faits réels
Pour ce roman de jeunesse, Alexandre Dumas s’est inspiré de sa propre histoire d’amour avec la demi-mondaine Marie Duplessis. Lorsqu’il écrit puis publie le récit en 1848, son ancienne maîtresse est décédée depuis quelques mois. Ils se sont aimés en 1844-45, avant que Dumas ne la quitte, faute de fortune pour l’entretenir. En 1852, Dumas transformera le texte en pièce de théâtre. Et ce n’est que le début du succès de cette œuvre.
En 1853, elle devient l’opéra La Traviata de Verdi. Et plus tard encore, il y aura plusieurs ballets et une bonne dizaine d’adaptations ensuite au cinéma et à la télévision. Un passage à la postérité incroyable pour cette histoire d’amour tragique.
Le contexte historique
Le texte est pleinement inscrit dans le mouvement du romantisme. Un mouvement qui connaît ses derniers feux vers 1850 mais La dame aux camélias en révèle encore toute la flamboyance.
Le narrateur des premiers chapitres cède ensuite sa place de conteur à Armand Duval. C’est donc directement le personnage principal qui s’exprime et raconte son histoire d’amour. Les sentiments, le “moi” on est en plein dans les codes du romantisme. La place centrale des amants et de leurs sentiments est encore renforcée par l’inexistence des personnages secondaires. La plupart ne sont qu’une initiale, aucun n’a d’épaisseur. Ils font littéralement tapisserie dans le récit de cet amour qui a tout emporté sur son passage.
Mais on sent aussi le changement d’époque qui se prépare. En effet, en 1851 ce sera le coup d’Etat de Napoléon III et l’instauration du Second Empire. Sous des dehors parisiens clinquants, ce sera un retour ferme à l’ordre et à la morale. Et on le sent déjà dans l’écriture de Dumas.
On va retrouver très souvent le champ lexical religieux dans ce drame amoureux. Que ce soit pour évoquer la piété, la pitié aussi, la chasteté, la pureté, le pardon, la rédemption… le mot de “Dieu” est aussi très présent et le narrateur se réjouit, dans les premières pages, que les théories de Voltaire n’aient plus autant de poids qu’avant. C’est donc aussi le portrait d’une époque qui se referme dans sa pensée et qui se rigidifie dans son archaïsme machiste.
Une société “traditionnelle”
Ainsi donc on voit se développer ce Paris mondain de la moitié du XIXe siècle. Et c’est la grande hypocrisie qu’expose Alexandre Dumas au fil du récit. les demi-mondaines sont des célébrités, connues de tous, il est normal pour les hommes de bonne famille de les prendre comme maîtresses, etc… Mais la “bonne” société ne veut pas avoir à faire à ces femmes. Elles sont exclues, vivement dans leur monde parallèle où on les regarde vivre avec curiosité mais surtout une bonne couche de dédain et de mépris.
La scène inaugurale de la vente aux enchères des biens de Marguerite Gautier l’illustre très bien. Beaucoup de dames comme il faut on fait le déplacement, poussées par la curiosité et se sentant dans leur bon droit comme la fille est morte…
C’est la même moralité qui pousse le père d’Armand à s’opposer à cette relation. Qu’il l’ait pour maîtresse au su de tous, bien sûr pas de problème. Mais qu’il vive avec elle, là ça coince.
Un amour au fil des saisons
L’auteur suit un schéma maintes fois éprouvé pour son récit. Les amants se dévoilent au printemps, vivent un été magnifique, avant que les difficultés de la vie ne les rattrapent à partir de l’automne. Et ce n’est pas le seul poncif en lien avec la nature. Poncif d’ailleurs que Dumas assume puisqu’il cite Virgile dans un passage. Virgile, le poète antique de l’amour champêtre et bucolique.
Et c’est précisément cette image d’amour et d’eau fraîche qu’a choisi l’auteur pour l’été à Bougival. Les amants se réfugient dans ce village, loin du monde, seuls tous les deux. Admirent les papillons, le soleil, l’eau du lac… C’est Bougival contre Paris. L’écrin paisible et serein de l’amour purifié versus la capitale noyée dans la débauche et la luxure.
La voie de la rédemption
Alors que plus jeune je trouvais ce livre bouleversant, aujourd’hui je tique sur le chemin de croix de Marguerite Gautier. Elle est donc une prostituée avec l’opprobre de la société sur elle. Mais elle est aussi malade. Et son amour avec Armand, qui doit la racheter aux yeux des lecteurs, n’est finalement qu’une longue “rédemption”. Il faut qu’elle se coupe de toutes ses connaissances, par nécessité financière elle doit abandonner ses possessions et tout ça pour quoi ? Pour subir avec résignation et patience la vengeance de son amant jusqu’à la mort qui arrive comme une délivrance.
On peut aussi se demander, quel part de toxicité forme en réalité l’attachement d’Armand à Marguerite. Il la suit jusque chez elle, il la soupçonne toujours de quelque chose, il est jaloux… Et pire que tout, le moment où il se demande s’il ne va pas la tuer s’il ne peut pas l’avoir pour lui. Cette phrase m’a glacée. C’est une histoire qui a vieilli finalement et je ne suis pas certaine qu’on puisse encore la lire avec plaisir…