Résumé
Merlin est un illustrateur dans la force de l’âge. Il illustre une encyclopédie pour le travail et développe aussi sa propre bande dessinée pour le côté passion. Avec sa compagne Prune, ils sont les heureux nouveaux propriétaires d’une grande ferme entièrement à rénover. Entre les travaux et le travail créatif, pas trop de temps pour souffler ! Encore moins quand le deuil vient se mêler de la partie…
Un bijou de style
Avant même de parler du récit, des personnages etc, il faut parler de la plume de Marie-Sabine Roger. Car dans ce roman, l’écriture est doublement au cœur du livre. L’auteure réussit ici parfaitement à nous faire sentir les émotions des personnages, de Merlin principalement.
Car elle nous donne à voir, par le truchement des mots, les bulles humoristiques ou émouvantes que Merlin griffonne ou imagine à propos des personnes dans sa vie. Du point de vue de la structure, ce sont de tout petits passages imprimés d’une police différente et bien isolés du reste du texte. Mais la magie opère, merci Merlin ;), et les bulles de BD naissent dans notre imagination de lecteur.
J’ai trouvé que c’était une astuce amusante pour rendre le lecteur moins passif au fil de sa lecture. Et c’est une impression qui se confirme lorsqu’on suit le héros dans sa création artistique de bande dessinée. Marie-Sabine Roger a réellement créé tout un univers BD en parallèle presque du roman, on n’a aucun mal à visualiser les planches que le personnage dessine. Les images, les impressions visuelles, tiennent une grande part dans ce texte. C’est un exercice de style réussi et le roman se lit très bien. Si bien, qu’on n’a plus du tout en envie de le lâcher avant de connaître le fin mot de l’histoire 🙂
Une mise en abyme de la création artistique
Et derrière cette histoire de deuil, se dévoile au fur et à mesure un autre processus mental. L’auteure nous plonge, grâce à son héros, dans les tréfonds de l’âme d’un artiste. J’ai adoré cette mise en abyme, l’auteure qui couche par écrit ce qui fait le quotidien du travail d’un artiste littéraire.
On suit Merlin dans ses périodes de doutes, de concentration, de réflexions sur son travail. L’univers BD qu’il a créé lui a apporté un certain succès. Est-il encore libre de donner toutes les suites possibles à son héros déjà bien établi ? Doit-il céder aux sirènes de pondre un tome après l’autre juste pour contenter son éditeur et son banquier ? La création peut-elle être contrainte par des éléments extérieurs ? C’est le genre de questionnements qui va tirailler longtemps le personnage principal. Et c’est vraiment agréable de voir les décisions qui naissent petit à petit. Le travail, l’œuvre, qui avance.
Des personnages charismatiques et déjantés
C’est le deuxième roman que je lis de cette auteure, et c’est, je crois, l’une de ses grandes forces que de créer des personnages qui prennent tout de suite beaucoup de place et imposent leur personnalité. On parle du personnage principal bien sûr, mais cela reste vrai des personnages secondaires du roman. Chacun a une épaisseur, une profondeur, immédiatement perceptible.
Avec Dans les prairies étoilées, j’ai pensé à une esthétique un peu à la Ken Loach. Pour le côté brut de décoffrage et en même temps cet humour décalé qui rend les choses les plus tristes un poil plus légères. Et avec la passion du whisky du meilleur ami de Merlin, j’ai bien sûr pensé au film La part des anges. Les similitudes entre les deux s’arrêtent à la présence de whisky et, surtout, à une certaine atmosphère, pleine de compassion et de bienveillance à l’égard des personnages.
Dans les deux cas, l’écrivaine et le cinéaste ne sont pas là pour juger leurs personnages, ni pour les torturer inutilement. C’est chercher l’arc-en-ciel dans des vies parfois un peu cabossées mais toujours attendrissantes.
L’humour pour tout désamorcer
C’est l’un des fils conducteurs puissants dans ce roman. Un humour décapant qui allège les cœurs, donne à réfléchir parfois aussi. Et la plupart du temps, il permet aussi de fixer le décor, l’ambiance de la scène qui se déroule.
Et là-dessus, comment ne pas évoquer le personnage fondamental de Cirrhose ? Le chat terrible que Prune et Merlin vont recueillir. Une boule de poils qui fait régner la terreur, toujours occupée à griffer, feuler… Ces passages m’ont d’autant plus fait rire que j’avais la même diablotine à la maison ! L’identification au personnage griffé, en train d’insulter le chat a donc fonctionné à plein 😂
Et ce chat, selon moi, c’est aussi révélateur de la finesse de la plume de l’auteure. Tous ses personnages ont droit à leur personnalité pleine et entière, jusqu’au chat !
Le tout pour donner un roman moins lourd qu’il n’y paraît en entendant le mot “deuil”, moins léger que l’on pourrait croire simplement en accrochant sur ce mot d’humour. C’est un roman sensible, parfaitement équilibré qui laisse rêveur.
Un commentaire