Résumé
Certains livres traversent les décennies de façon surprenante. C’est l’un d’eux, à la reliure de maroquin rouge, qui tombe entre les mains d’Adam. A première vue, ni intrigue, ni personnages. Adam s’étonne, mais emporté par la magie de son univers, il ne réussit bientôt plus à s’en détacher. Car voilà qu’apparaissent, au détour des paragraphes, une jeune fille au chapeau cloche, une vieille dame excentrique en tenue de voyage, une cuisinière hors pair et un jardinier trop curieux… Autant de rencontres insolites qui prennent pour Adam la forme de rendez-vous en lui révélant d’étranges similitudes avec la réalité.
O.V.N.I
J’ai acheté ce livre de manière impulsive. Un livre au cœur du livre, c’était la promesse parfaite pour une fan de lecture dans mon genre 🙂 Car la quatrième de couverture n’en dit pas vraiment plus. Quand on entame ce roman, on ne sait pas trop à quoi s’attendre ni où tout cela va nous emmener.
Et pour les cinquante premières pages à peu près, c’est déconcertant. J’avais du mal à rentrer dans le texte, je me lassais après seulement quelques pages… Et je me suis dit, ça va être la croix et la bannière pour arriver au bout de celui-là !
Mais les beaux jours ont fait leur apparition. Avec un transat au soleil et une après-midi devant moi j’ai enfin donné sa chance au roman.
Incursion en terre fantastique
Goran Petrovic virevolte entre ses personnages, les époques et carrément… plusieurs dimensions ! Car l’auteur nous propose un roman fantastique. Pas de dragons, pas de licornes. Pas de grand méchant voulant détruire la galaxie. Mais bienvenue dans cet univers parallèle qu’est le livre !
Car ici, le texte n’est pas inerte. Pour les lecteurs les plus avisés, il prend vie et accueille les lecteurs comme autant de nouveaux personnages. J’ai adoré ce postulat ! C’est tellement brillant comme idée littéraire ! Dans l’esprit, j’ai pensé aux objets qui s’animent dans La Belle et la Bête. Sauf qu’ici, l’explication est autrement plus recherchée que simple mauvais sort…
L’histoire contemporaine de la Serbie
Mais cet ouvrage n’est pas non plus complètement séparé de la réalité. Déjà parce que nous allons suivre les vies de certains lecteurs dans la vraie vie, mais aussi parce que l’auteur construit de nombreuses passerelles.
Et surtout, le récit s’inscrit dans l’histoire récente de la Serbie. En toile de fond on aperçoit les guerres, les événements politiques marquants… N’ayant pas l’habitude de lire des auteurs d’Europe de l’Est, je trouve toujours intéressant de décentrer le regard.
Et au-delà d’être la trame de fond, c’est aussi par l’histoire que l’auteur rattache son roman dans la réalité.
Ce livre énigmatique
Quelle merveille que cette idée de livre sans personnages ni sans histoire ! Au début, on est aussi dérouté que le jeune correcteur. Mais d’où sort ce livre ? Qui paie quelqu’un pour apporter des corrections dans un texte déjà publié ? Le mystère est entier…
C’est un livre qui se “contente” de présenter et décrire une villa et son parc arboré. Pourquoi faire ? Ou pour qui ? On se pose énormément de questions.
Et c’est en présentant la vie de son auteur que nous allons découvrir le pourquoi du comment. Comment cet homme est tombé amoureux d’une femme rencontrée dans les pages d’un livre sur la Grèce antique… Et comment une relation épistolaire s’est nouée entre eux. C’est poétique, c’est bien pensé et c’est très bien écrit ! Et quand les lettres n’ont plus suffi aux amoureux, l’homme s’est lancé dans l’écriture de ce livre unique. Un écrin parfait pour leurs rencontres amoureuses.
J’ai adoré que les descriptions soient au centre de ce projet fou. Car que reste-t-il une fois l’intrigue retirée ? C’est un pur objet, que l’homme souhaite aussi parfait que sa dulcinée. Les achats de descriptions de meubles précieux m’ont fait rire.
La littérature avant tout
Ce livre c’est aussi la mise en abyme de l’écriture. Pourquoi écrit-on ? Pour qui ? Que faire lorsque la fiction a dépassé la réalité ? Quand la fiction semble bien mieux que la réalité ? C’est le dilemme de l’auteur de roman étrange dans la fiction, et ça deviendra le dilemme du héros également. Et le lecteur se questionne aussi, quelle place pour l’imaginaire dans nos vies ? Quel est le roman dans lequel nous aimerions plonger corps et âme ?
J’ai aimé aussi la métaphore du secrétaire aux soixante-dix tiroirs. Ce meuble raffiné et dont le soixante dixième tiroir est caché et ouvre sur un espace infini. Est-ce une légende ? Est-ce une promesse ? Pour moi c’est la représentation parfaite de l’écriture.
Un auteur conçoit une histoire, crée des liens, pousse le lecteur dans certaines directions… Faut-il pour autant désarticuler le texte pour à tout prix essayer de trouver ce tiroir caché ? Est-ce encore apprécier le récit que de le dépiauter comme un vulgaire casse-tête ?
Le roman compte soixante neuf chapitres lui aussi. Quid du soixante dixième ? Ou bien le tiroir caché de la lecture, c’est le bonheur qu’on en retire en reposant le livre ? 🙂 C’est un roman magique, subtil et très intelligent.