Résumé
Les Hopis sont un peuple amérindien vivant depuis des siècles sur les plateaux arides de l’Arizona. Soumis aux contraintes d’une région désertique, ils ont développé une cosmogonie extraordinaire et des croyances qui font communier la vie et la mort, la lumière et la nuit, les esprits, les animaux et les hommes.
A travers ce roman qui suit la quête d’une jeune fille, c’est la beauté de ce monde aux antipodes du nôtre qui se révèle, et demeure.
J’ai adoré ce roman ample et complètement dépaysant de Bérengère Cournut !
Les Hopis
L’auteure fait connaître au lecteur les Hopis. Ce peuple du désert américain qui vit avec, et s’adapte à la nature tout autour. La temporalité est floue mais ça n’a aucune importance dans le récit. Le découpage du temps par les hommes n’a pas de prise sur ce qui constitue le cœur de ce roman, les saisons qui passent, la course du soleil qui seule rythme la vie des Hopis dans leur vie quotidienne.
Les descriptions sont succinctes mais l’imagination fonctionne à plein régime. Principalement grâce à la puissance évocatoire des noms des personnages, des clans, des rituels qui accompagnent les travaux agricoles… Le lecteur est dépaysé dès le début.
En arrivant à la fin de l’ouvrage, j’ai découvert des reproductions de photographies de Hopis, datant du début du XXe siècle. A posteriori, on peut aisément considérer que le récit se passe à cette même époque.
D’ailleurs, j’ai trouvé que c’était un vrai plus d’avoir fourni ces archives. Après avoir imaginé, on peut voir les maisons, les tenues traditionnelles etc.
On retrouve tous les marqueurs classiques d’une société traditionnelle. Dans ce récit, il faut un village pour élever un enfant n’est pas une métaphore. Les liens familiaux sont considérés bien au-delà des liens du sang à proprement parler.
L’entraide nécessaire dans une petite communauté paysanne, le respect dû aux anciens, les réunions autour des rituels qui soudent la communauté et permettent d’enseigner aux jeunes générations les traditions ancestrales.
Née-contente
Le lecteur suit le voyage initiatique vers l’âge adulte du personnage principal, Taayatitaawa Née-contente. Il y a les enseignements du clan, les apprentissages au contact des autres jeunes… En apothéose, la figure du dieu du feu et de la mort, Màasaw, va incarner pour la jeune femme cette compréhension, cette rencontre avec les autres mondes que le monde des humains.
Une initiation douloureuse, bouleversante, les chapitres associés sont d’une intensité palpable. Sans pour autant que l’auteure se départisse du calme qui caractérise toute l’écriture du roman. C’est une transformation, une mue intérieure que va opérer Née contente.
Dans ce texte très axé sur les êtres humains, j’ai aimé la particularité de l’héroïne. Elle adore les chats depuis toute petite. Alors même que son clan les repousse, jugeant les félins inutiles. Elle a carrément une pièce à chats, ce sont pour elle de vrais compagnons qu’elle inclut parfois, à tort, dans les croyances et les rites des Hopis.
Elle imagine les chats porteurs d’un pouvoir spirituel, peut-être celui de servir de lien avec le monde des esprits ? On trouvait déjà cette image du chat mystique et mystérieux dans les poèmes de Charles Baudelaire. Une véritable invitation … à la rêverie !
Un roman épique
On est immergé dans le quotidien du peuple Hopi, la succession des saisons, dans une même région du désert de l’Arizona. Et pourtant, il ressort de cette lecture un sentiment de récit épique. L’héroïne a traversé toutes les épreuves, même les plus douloureuses, elle en revient grandie, renforcée. L’omniprésence des dieux et des esprits enrichit encore cette vision des choses.
Dans nos sociétés contemporaines cartésiennes et rationalistes, un récit qui fait la part belle aux croyances en remplaçant l’Homme à sa toute petite place dans l’univers, c’est très dépaysant finalement. Le lecteur est captivé par cette parenthèse qu’est l’histoire, apprend avec Née-contente, ressent ses émotions et se ressource auprès de la nature en tant que concept de Mère nourricière.
Tout comme l’illustration choisie pour la couverture du livre, je peux résumer ce roman en couleurs. Toutes les nuances d’ocre et de terre de Sienne brûlée qui contrastent avec le bleu profond du ciel. Une opposition tranchée entre ces teintes, comme la séparation magique entre le monde des humains et celui des esprits.
C’est un très beau roman qui m’a permis de voyager et qui m’a fait du bien. Comme le disait si bien Victor Hugo “Lire c’est voyager, voyager c’est lire” et Née contente à Oraïbi est une superbe façon de l’illustrer ! On sent le souffle de la vie qui traverse ce texte, emporte l’héroïne vers ses aventures personnelles.
Et aussi, l’omniprésence de la nature est un aspect qui change de beaucoup de romans contemporains où elle apparaît au mieux en toile de fond ou simplement par touches. J’aime que l’on s’attarde sur elle, en saisir les nuances et les variations.
3 commentaires