Résumé
Dans un paysage de mer et de falaises d’une beauté paisible, bien loin de Tôkyô, une femme en désaccord avec le monde entreprend la redécouverte d’elle-même et passe des jours heureux d’une grande douceur. En compagnie de son chat, elle fera durant douze mois l’apprentissage des vingt-quatre saisons d’une année japonaise. A la manière d’un jardinier observant scrupuleusement son almanach, elle se laisse purifier par le vent, prépare des confitures de fraises des bois, compose des haïkus dans l’attente des lucioles de l’été, sillonne la forêt, attentive aux présences invisibles, et regarde la neige danser. Vingt-quatre saisons, c’est le temps qu’il faut pour une renaissance, pour laisser se déployer un sensuel amour de la vie.
L’éloge de la lenteur
Ce roman de Inaba Mayumi fascine grâce à son esthétique du temps qui passe. Ici, pas de péripéties à qui mieux mieux. Pas d’intrigue haletante qui laisse le lecteur le souffle coupé. Au contraire, l’auteure adapte son rythme d’écriture à son sujet, le passage du temps.
Cette force immuable contre laquelle on ne peut rien. Si ce n’est peut-être pour apprendre à mieux en profiter. En un an, le personnage principal va découvrir ce découpage ancestral du calendrier japonais en 24 saisons. La saisonnalité est un motif artistique très présent dans la culture japonaise. Un changement observable ou perceptible tous les quinze jours. Quel meilleur moyen peut-il y avoir de prendre conscience de la vitesse à laquelle le temps passe pour les Hommes ? Mais le roman se concentre justement sur le rythme de la nature, fragile, codifié et lent.
Un retour à la terre
Malgré ce style tranquille, il ne faut pas imaginer que l’histoire se contente de flotter dans une bulle de bonheur. Ce n’est pas la campagne arcadienne magnifique et sans aucun tracas. Au contraire, tous les personnages évoqués au fil du récit ont, ou ont connu, leur lot de déboires, de drames et de tristesse.
C’est ce qui rend encore plus saillante la beauté éphémère de la nature presque sauvage qui sert de cadre dans ce roman. Le lecteur se plonge d’autant plus avidement dans les descriptions de ces moments paisibles de bonheur quotidien et champêtre qu’il lui ait souvent rappelé combien la vie peut basculer à chaque seconde.
Le personnage principal opère ce retour à la terre, ponctuel pour elle, qui tente tant de citadins stressés qui ne voient plus d’autres solutions pour retrouver leur sérénité.
A suivre les activités manuelles du personnage, une cueillette en forêt, désherber le jardin… C’est une façon pour le lecteur de redécouvrir les bienfaits peut-être oubliés de ces occupations loin de tout bureau et de toute productivité. A travers ce roman contemporain, on trouve des traces du message de la nature comme membre actif mais étouffé de la communauté comme chez Jean Giono.
La nostalgie du passé
C’est le sentiment qui se dégage parfois en avançant dans ce récit. L’auteure nous dévoile cette petite île reculée, avec une nature omniprésente et des relations de bon voisinage. On est aux antipodes de l’anonymat des grandes villes ou des (bien souvent) relations chaotiques entre voisins. On voit plutôt se dessiner de la bienveillance entre les gens, beaucoup d’entraide aussi. Cet aspect est aussi un pan important développé dans ce roman. On y suit l’accueil qui est réservé à cette femme qui arrive de Tokyo et n’a pas d’attaches ancestrales sur l’île. Au lieu de la rejeter, les autres résidents vont l’aider dans sa vie quotidienne.
De la lecture à l’action
C’est en tout cas un récit qui ne laisse pas indifférent. En achevant sa lecture, on a envie de faire comme les personnages. Pas forcément de s’isoler un an (encore que ?) mais au moins de sortir faire une longue promenade en forêt le week-end suivant, prendre le temps de détailler le prochain coucher de soleil, acheter des fruits pour en faire de la confiture ! J’ai vraiment eu cette sensation en refermant le livre. On a envie de passer des sensations et des émotions par procuration à de vrais souvenirs sensoriels à collectionner.
Le roman nous rappelle la fragilité de la vie, de la nature aussi. C’est comme un bol d’air et après le point final, on veut le prolonger.
Une lecture profonde
Derrière l’apparente simplicité du sujet, le lecteur découvre en réalité de multiples subtilités. Et dans chacune, il y a toujours cet équilibre précaire de la vie entre joies et larmes. Quel rapport entretenons-nous avec notre propre vie ? Quelles pensées nous habitent face à la réalité de notre finitude ? L’existence a-t-elle un sens et dans “quel éta-gère” ? 🙂 Tous ces questionnements mainte fois remâchés, presque clichés, vous arrivent en pleine figure au milieu de la saison des lucioles et des baignades en pleine mer du personnage principal. C’est définitivement une lecture bouleversante, qui laisse une trace profonde après elle.
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