Résumé
L’humanité a été transformée par la technologie : désormais, les adolescents ne vont plus à l’école et grandissent avec leurs Amis Artificiels. Ces robots de pointe sont conçus pour les instruire, les distraire et veiller sur eux. Dans la vitrine du magasin, Klara, une AA particulièrement intelligente, attend avec impatience d’être choisie. Elle observe les passants et rêve d’éprouver comme eux de la joie, de la peur, de l’amour. Bientôt, l’occasion de découvrir le monde se présente : elle est achetée par Josie, une adolescente atteinte d’une mystérieuse maladie. Mais en pénétrant l’intimité de sa nouvelle famille, Klara ne se doute pas qu’elle va devenir le témoin de troublants secrets.
Une incursion en science-fiction
Je ne suis pas cliente des romans appartenant au genre de la science-fiction. Je préfère rester ancrée dans la réalité ou dans un passé connu, et découvrir des personnages extraordinaires.
C’est donc un pas de côté que ce roman Klara et le soleil, une incursion pour moi en terra incognita 🙂
Dans un futur plus ou moins proche, l’intelligence artificielle sert aussi à créer des robots amis pour les jeunes. J’ai tout de suite repensé à la série anglaise Humans, elle-même adaptée d’une série scandinave.
Là aussi, des robots à forme humaine viennent en renfort dans les maisons. Pour faire le ménage, s’occuper des enfants, des personnes âgées, etc. J’avais beaucoup aimé l’idée et c’est aussi ce souvenir qui m’a poussée à acheter le roman de Kazuo Ishiguro.
Le point de vue de l’IA
La narratrice est donc Klara, dans un récit à la première personne. C’est déjà une première façon d’annoncer la proximité entre cette catégorie de robots et les êtres humains. En effet, c’est le propre de l’Homme de développer un discours réflexif et de s’intéresser à soi-même, à l’intime. Ici, Klara en est donc capable aussi.
Entre son apparence et sa façon de s’exprimer, la frontière est donc vraiment brouillée entre l’objet et l’être vivant.
Tout en lisant, on s’attache à elle, on la regarde évoluer et parfois on oublie sa place. C’est donc elle qui nous raconte une histoire. Une histoire dont elle n’a pas tous les tenants et les aboutissants.
Ca peut avoir quelque chose de frustrant car par extension, nous non plus nous n’aurons pas 100% des réponses ou des explications. Mais c’est aussi une belle manière de construire le mystère dans l’intrigue et de ramener Klara a sa place d’objet dans la maison.
Le roman des sentiments
Selon moi, c’est l’aspect le plus merveilleux de ce roman. Au-delà de l’intrigue, des personnages… On navigue le monde des émotions que découvrent Klara. C’est touchant, très poétique… Avec la plume toujours parfaite de Kazuo Ishiguro 🙂
Et il y a un côté comique aussi. Klara réfléchit comme un adulte à certains moments, et comme un enfant le reste du temps. Dans sa façon de s’exprimer, on voit tout de suite ce pour quoi elle a été conçue et ce qu’elle découvre par elle-même.
Ses sentiments grandissent à l’égard de l’adolescente qu’elle accompagne. Elle souffre de la voir malade, elle prend l’espoir, la résilience, le don de soi…
Ce roman est par là aussi un roman du passage de l’enfance à l’âge adulte en quelque sorte. Au-delà de ce que Klara imaginait du monde, maintenant elle s’y confronte et doit accepter la réalité. C’est particulièrement vrai de la fin de l’histoire… L’auteur nous laisse sur une note douce amère.
Klara et le soleil
Le titre est énigmatique avant d’entamer la lecture. Et puis l’on pense en avoir fait le tour. Ah oui bon d’accord, le soleil parce que ces robots se rechargent avec les rayons du soleil. CQFD. Et en réalité, oui mais non !
Le motif du rapprochement entre les deux joue à plein jusqu’à trouver son apothéose dans le récit. Et l’on se rend compte de la vraie place du soleil pour Klara.
Ce n’est pas juste sa source d’énergie. C’est le dieu auprès duquel elle cherche des solutions, elle le prie d’agir, etc. Dans une certaine mesure, ça m’a fait pensé au roman de Bérengère Cournut Née contente à Oraïbi. Là aussi le soleil et le dieu qui l’incarne ont un rôle à part entière. Et c’est aussi un récit de transformation de l’enfance vers l’âge adulte.
Klara, le petit robot programmé, se met à croire en une entité divine. Une entité qu’elle peut invoquer et qui peut agir sur la réalité. N’est-ce pas encore une fois le propre des Hommes de développer des croyances ? De dépasser les faits pour créer un récit plus ou moins magique qui les aide à avancer ?
En cela, l’auteur brouille encore un peu plus les pistes entre les gens et Klara. Qu’est-ce qui définit l’humanité finalement ?
En résumé, c’est un roman poignant, intriguant, qui nous fait nous questionner sur notre humanité 🙂