Résumé
Marrane, ville perchée sur le versant d’une montagne arménienne, était autrefois animée, riche d’un marché populaire et de plus de cinq cent familles. Dont celle de Voskai, jeune fille aux yeux dorés et aux cheveux de miel, contrainte d’épouser le fiancé de sa sœur après la mort brutale de cette dernière.
Marane fut aussi le berceau de sa fille, Anatolia, qui y passa une vie de bonheurs et de drames, entre son amour des livres, son travail de bibliothécaire et la solidarité de sa communauté au travers des catastrophes. Aujourd’hui, Marane ne compte plus que cinquante habitants, dont Anatolia.
Prise d’un mal mystérieux, celle-ci se persuade qu’elle va bientôt mourir, et accepte la demande en mariage de son voisin, pensant que cela ne l’engagera à rien…
Un résumé… impossible à faire !
La quatrième de couverture de l’édition poche de roman vous semblera, une fois la lecture terminée, bien équivoque pour ne pas dire un peu trompeuse. En effet, je crois qu’il faut surtout se dire en lisant le résumé qu’on nous donne l’ambiance du roman, le lieu bien sûr, l’Arménie et… Et c’est tout 🙂
Perdre ses repères
Avant de plonger dans les méandres de l’arc narratif en lui-même, il me semble indispensable de parler de la forme et de la structure de ce roman. Lecteurs et lectrices qui souhaitez lire une histoire de A à Z, en suivant les personnages de bout en bout de leurs péripéties pour en connaître le point final au dénouement : passez votre chemin !
Narinai Abgaryan offre bien plus qu’un simple récit comme fil d’Ariane. Et la structure du texte est là pour le prouver. Par exemple, l’épilogue se trouve juste après la moitié du volume 🙂 Et les titres de chapitres après l’épilogue vous plongeront dans la plus grande perplexité. Que peut-il y avoir à dire une fois l’épilogue bouclé ?
Eh bien c’est le moment parfait pour changer de personnages, de lieux et d’époques. L’autrice nous invite à littéralement lui faire confiance et à se laisser embarquer pour cette deuxième partie du livre. Je dirai qu’il faut lâcher prise en quelque sorte. C’est mieux de profiter de l’expérience de lecture en elle-même que de trop se faire des nœuds au cerveau en tentant de rattacher ces nouveaux personnages à Anatolia et aux autres de la première partie. Déjà parce que ces liens n’existent pas toujours. C’est en ça que ce livre peut devenir assez frustrant si l’on s’acharne à vouloir le faire rentrer dans les cases habituelles des romans.
S’il fut vraiment imaginer un lien entre tous ces personnages, c’est peut-être d’incarner la diaspora arménienne, mais je n’en suis pas certaine 🙂
L’autre personnage, l’Arménie
Narinai Abgaryan est elle-même d’origine arménienne et dans ce roman elle donne à voir pour les lecteurs la vie et les traditions de ce pays. Alors que le conflit au Haut Karabakh a rappelé à la communauté internationale l’existence de l’Arménie, ce roman permet de mettre en perspective la tragédie humaine qui s’y déroule. En effet, au fil des pages, on rencontre ces personnages lourdement marqués par les catastrophes de leur pays. Rescapés du génocide de 1915, survivants de périodes de famine, survivants et éclopés des guerres successives… Et rescapés de tragédies naturelles comme les habitants de Marane.
Ce sont des existences marquées par les drames. Où la mort vient frapper trop souvent, emportant des familles entières. A le dire ainsi, on pourrait imaginer un roman sombre, pesant ou étouffant. Il n’en est rien. Ce livre montre en effet à quel point les Hommes sont capables de s’habituer à tout et surtout, de s’adapter. Ces morts en cascade à affronter, les cruautés de la nature etc… Tout cela renforce les liens personnels entre les survivants. Ce sont des communautés soudées par les malheurs mais qui puisent en eux-mêmes la force de se relever et de s’élever.
L’universalité du bonheur
A travers chaque récit développé ici, c’est finalement “la morale de l’histoire”. Par delà les tragédies, il est encore possible de vivre et de rechercher des moments de bonheur. Quoi que le destin réserve, la vie doit continuer. C’est le message du roman entier, montrer comment les liens interpersonnels, familiaux et ou d’amitié, sont au cœur de tout système de société.
Donc c’est un message d’espoir de la part de Narinai Abgaryan, la volonté de chercher le rayon de soleil dans un ciel gris. C’est ce qui fait que malgré les tragédies qui accablent de très nombreux personnages, on n’a pas l’impression en lisant d’enchaîner les horreurs sans possibilité de souffler à côté.
Au contraire, et c’est sûrement la force de la deuxième partie du livre, on achève ce roman avec une image solaire et une sensation de s’élever, presque de mieux respirer.
Pour conclure, ce livre fait un peu figure d’OVNI dans le paysage littéraire, mais il sait récompenser ses lecteurs aventureux !
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