Résumé
Constance étant oisive, on va lui trouver de quoi s’occuper. Des bords de Seine aux rives de la mer Jaune, en passant par les fins fonds de la Creuse, rien ne devrait l’empêcher d’accomplir sa mission. Seul problème : le personnel chargé de son encadrement n’est pas toujours très bien organisé.
Une découverte merveilleuse
Je ne connaissais pas du tout l’œuvre de Jean Echenoz. J’ai acheté Envoyée spéciale un peu par hasard, sans trop savoir à quoi m’attendre. La quatrième de couverture n’en dit pas bien long ! On semble aller vers du mystère, de l’espionnage, avec une dose d’humour… Et voilà. Moi qui, d’habitude, ai besoin d’un résumé plutôt long pour me faire une idée, là ça change !
Et me voilà embarquée dans ce qui est devenu, ma meilleure surprise littéraire de ce début d’année 2024.
Un style qui casse les codes
Jean Echenoz a construit une plume vraiment à part dans le paysage littéraire actuel. Son style est vivant, fluide… Mais aussi très construit, très intelligent et le propos est fouillé. On est bien sûr dans une fiction, dans un roman et en même temps ce n’est pas le roman “basique”.
On est bien au-delà de situation de départ, élément déclencheur, péripéties et dénouement. Sans rompre entièrement comme ont pu le faire les représentants du Nouveau Roman, Jean Echenoz construit un récit en s’affranchissant de certaines règles.
Le tout avec un humour fin qui s’exprime autant dans les aventures des personnages que par la façon qu’a le narrateur de parfois s’adresser directement au lecteur.
Un roman d’espionnage hors des sentiers battus
On peut donc classer ce roman dans la catégorie espionnage. Mais bon… De loin. Partiellement. Ce n’est pas le portrait des types humains. Mais un peu quand même… Ce n’est pas un roman “qui dénonce”, quoi que…
Bref, on s’y perd un peu au début. Et puis on va se laisser mener. Mener par le bout du nez ! Suivre l’auteur dans sa réflexion et dans la proposition artistique qui nous est faite.
Nous suivons, donc, le montage bancale d’une opération prétendûment des services secrets français. Mais quelle est cette mission ? Son but ? Finalement tout cela, on ne le découvrira que bien tard dans la narration.
Destination la Corée du Nord
Ainsi donc, les personnages s’acheminent vers l’accomplissement d’une mission en Corée du Nord. Rien que ça ! L’un des pays les plus fermés de la planète, une dictature sanguinaire… Et comme on a eu le temps de bien faire la connaissance des “agents” dépêchés sur place, on sait d’avance que ça ne va pas être de la tarte.
J’ai beaucoup aimé que la description de ce pays et de la situation avec la Corée du Sud soit très détaillée. L’auteur nous ancre d’autant mieux dans le réel, pour y insérer le décalage de son récit.
L’actualité moins drôle que la fiction
Ce que j’ai aimé avec ce roman, c’est aussi le fait divers qu’il m’a rappelé. En 2020 ou en 2021 je ne sais plus, il y a eu ce qu’on a appelé l’affaire Athanor. Du nom du loge maçonnique à laquelle appartenait certains des protagonistes.
En gros, des anciens barbouzes du renseignement français qui ont monté un petit business de black ops. Et pour trouver les dindons de leur farce, ils assuraient aux hommes de main que c’étaient des missions tout à fait officielles de la DGSE, au service de la France. Ce n’était évidemment pas le cas, il y a eu des cadavres, des arrestations, un procès.
La réalité fait donc moins bien et moins drôle que cette fiction très drôle écrite en 2015 !
Constance, l’héroïne ?
Le personnage de Constance, le seul cité dans le résumé succinct, est-il vraiment le personnage principal du roman ? A la lecture, on a plutôt l’impression d’un roman choral. A moins que le rôle du narrateur omniscient et qui se fait remarquer du lecteur ne cherche à voler cette place au premier plan ?
Les personnages sont évidemment bien construits, tous dotés d’une réelle épaisseur aussi. Mais personnellement, c’est le narrateur qui a pris le pas pour moi. J’attendais sa prochaine adresse au lecteur, la prochaine formule qui ferait mouche… C’est par sa voix que l’auteur joue évidemment le plus avec les codes classiques de la narration romanesque. Et j’ai adoré!
Qu’est-ce qui constitue un happy end ?
Ce roman complexe l’est encore dans sa résolution. Pas de panique, je ne vais rien spoiler ! Mais je pointe seulement du doigt l’anti-climax que représente finalement la fin de la mission à proprement parler.
C’est finement amené, le suspense est bien présent, on est avec eux. Et pouf ! Fin de la mission.
Parce que l’essentiel était ailleurs depuis le début. Mais pour autant, l’auteur ne nous laisse pas sur une fin ouverte. On a les réponses, on sait où on va. Enfin… vraiment ? 🙂