A la Recherche du Temps Perdu I
Résumé
Le plaisir de la lecture, l’heure du thé, le drame du coucher… Par l’évocation d’innombrables petits moments tour à tour délicieux, humiliants, érotiques, décevants, Proust nous invite à prendre part à ses réflexions dans ce premier volume de la Recherche, où les souvenirs d’enfance (« Combray ») et les premiers instants de l’adolescence (« Noms de pays ») encadrent le récit des amours d’un riche collectionneur et d’une demi-mondaine (« Un amour de Swann »).
Ma propre madeleine
En 2022, à l’occasion du centenaire de la mort de Marcel Proust, j’ai décidé de lire les sept tomes de la Recherche. Venant d’études littéraires, j’avais bien sûr déjà dû lire le tome I, Du côté de chez Swann. Et je me souviens qu’à l’époque j’avais voulu enchaîner sur le tome II, A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Du tome I il ne me restait plus comme souvenir qu’une vague impression de lecture hors du temps et ardue.
Finalement j’ai gardé un souvenir plus précis du deuxième tome. Celui d’avoir craqué et lâché l’affaire après une centaine de pages. Je me souviens très bien avoir remis en place le marque page en me disant “on verra plus tard”. Et au fil des années, quand je parcourais des yeux ma bibliothèque, je finissais toujours par achopper sur ce tome II, le marque page toujours visible. Comme un rappel d’une tâche inachevée et quelque part aussi d’un échec, puisque je n’étais pas allée jusqu’au bout.
Périodiquement aussi, je me posais cette question : parler et encourager à lire Proust (du mois le premier tome) au lycée est-ce ouvrir les esprits ou est-ce gâcher les chances de ce texte d’accrocher des lecteurs encore forcément très “verts” ? La question reste ouverte 🙂
L’importance du paratexte de l’éditeur
Avant toute chose, il me semble fondamental d’entreprendre la lecture de cette œuvre en s’appuyant complètement sur les notes de bas de page et autres annexes mises à la disposition du lecteur dans les éditions modernes. C’est une œuvre évidemment très longue, évidemment très foisonnante mais aussi très datée sur certains aspects. Lire le récit en se coupant des rappels de contexte, d’anecdotes historiques ou mondaines revient à lire sans comprendre. Et malheureusement peut-être pour certains, lire Proust sans le comprendre, cela ne présente pas d’intérêt.
Sinon pourquoi faire l’effort de suivre l’auteur dans son style si particulier ? phrases longues, très peu de chapitres, l’enchevêtrement de l’action et des réflexions/digressions du narrateur etc… Car l’action dans la Recherche, c’est bien sûr la vie quotidienne du narrateur, issu d’un milieu bourgeois et fréquentant les cercles nobiliaires. Pas de péripéties pour nous tenir en haleine, pas de retournements brusques de situation… Je ne veux pas dire par là que c’est ennuyeux, cela n’aurait pas de sens.
Marcel Proust propose sa propre vision du roman. A cheval entre la narration traditionnelle et des réflexions plus larges, de psychologie, d’étude de types humains… Mais puisque l’auteur prend son temps dans la construction de son œuvre, à nous, lecteurs, de ne pas nous précipiter non plus et d’accepter d’aller en fin d’ouvrage les informations pour mieux apprécier le texte dans sa précision et sa profondeur.
L’imagination sans bornes
Ce serait le résumé lapidaire que l’on pourrait faire pour expliquer ce tome I de la Recherche. C’est l’enfance et la jeunesse du narrateur, puis l’histoire d’amour tumultueuse de M. Swann, puis l’on revient au narrateur exalté par sa propre imagination.
La partie sur Swann est pratiquement un roman dans le roman. C’est un épisode longuement détaillé, qui pourrait se suffire à lui-même et qui ne rejoindra la vie réelle du narrateur que plus tard dans la recherche, quand lui-même connaîtra les affres de l’amour et de la jalousie. Est-ce une sorte de prémonition ? Ou bien une façon élégante de démontrer qu’aussi exceptionnelles nos histoires d’amour puissent nous sembler, elles sont finalement universellement partagées et ressenties ?
Quant à la vie du narrateur, c’est la mise en place des personnages qui vont structurer le texte au fil des différents tomes. Françoise, la domestique, Bergotte, la figure de l’écrivain génial, les Guermantes… Et à chaque fois, le narrateur rêve et imagine. Derrière des noms, de lieux ou de personnes, il cherche à percevoir une réalité tangible. Ce narrateur, qui veut devenir écrivain, se laisse emporter par la force de son esprit. Dans des angoisses d’une part (le moment du coucher est évidemment emblématique) et dans des rêveries d’autre part (les exemples de manque pas, citons ici les images qui naissent à l’évocation de Florence et Venise).
L’incontournable madeleine
Il me semble impossible de ne pas évoquer le passage fameux de la madeleine. Un extrait littéraire qui est tout de même passé dans le langage courant, qui est devenu une expression ! Dans les épreuves, on apprend que Proust pensait d’abord à du pain grillé. Puis il a modifié une première fois le texte pour en faire une biscotte, puis enfin a trouvé la version définitive avec la madeleine. Une intense réflexion d’écrivain pour accoucher un morceau célébrissime encore aujourd’hui. L’expression littéraire puissante de ce phénomène de la mémoire involontaire. La scène vécue nous a été montrée au tout début du volume. Quand le narrateur se souvient, le lecteur se souvient avec lui.
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