Résumé
Un cadavre, émasculé, qui rouvre les yeux sur la table d’autopsie. Un portable qui se met à sonner dans le corps d’un jeune toxico, mort de brûlures inexplicables. Malgré quinze ans de terrain en Seine-Saint-Denis, Victor Coste, capitaine de police, se prépare au pire.
Et que penser de ces lettres anonymes qui dessinent une première piste : celle d’un mystérieux dossier, le » Code 93 » ?
Une piste qui, des cercles huppés parisiens aux quartiers déshérités, fera franchir à Coste les limites du périphérique, et de la raison…
Un polar, simple, pas basique
Olivier Norek est un ancien capitaine de police, du SDPJ du 93. Cette information sur l’auteur permet tout de suite de comprendre le livre que l’on a entre les mains. Un polar qui sent réellement le terrain et le travail de flic. L’atmosphère nous embarque dès les premières pages. Le manque de moyens dans les services, la lassitude de certains, les affaires passées qui ne passent pas… Et la très célèbre politique du chiffre.
Cette logique de rentabilité appliquée à toutes les enquêtes, toutes les missions. Résoudre vite, très vite pour afficher des résultats performants au ministère et dans la presse grand public. Une comptabilité qui met donc sur un même plan l’arrestation d’un consommateur de drogue et celle d’un gros bonnet du banditisme. Il est facile de deviner ce qu’il est plus simple de faire au quotidien quand on manque de moyens mais que la pression de la hiérarchie ne cesse pas…
Olivier Norek embarque son lecteur au cœur de la police de notre époque, bien mieux que tous les reportages qui glorifient une profession en choisissant les images diffusées avec des pincettes.
Et l’auteur situe l’action dans le département le plus pauvre de France, la Seine-Saint Denis. Là où lui-même a fait sa carrière de flic. Cette connaissance des lieux se ressent à la lecture, bien au-delà de simples recherches pour se documenter et “faire vrai”.
Une enquête pour meurtre, c’est cru
Le texte se caractérise aussi par une certaine crudité dans le choix des mots et les descriptions. Habituellement, je ne suis pas fan de ce genre de parti pris. Le gore, ça va bien deux minutes ! C’est pour cela que, selon moi, ce roman se distingue. Il faut certes avoir l’estomac bien accroché mais il n’y a pas de profusion de détails, de complaisance dans l’atroce. Il s’agit juste de sortir du romanesque pour coller à la réalité. Le lecteur se retrouve confronté à la même chose que les policiers. Avant le drap blanc pudique, avant le body bag… Il faut bien des gens pour détailler ce qu’il y a dessous.
Les descriptions désespérées/désespérantes de certaines réalités laissent un goût amer. Ainsi, lorsque l’équipe du Capitaine Coste découvre une cave sordide clairement dédiée aux viols en réunion. Les préservatifs partout par terre mais pas de mise sous scellés, pas d’enquêtes, pas d’analyses. Ça coûte trop cher, d’expérience les policiers savent qu’aucun magistrat n’acceptera de s’engager là-dedans. Pas rentable… C’est aussi ça, la réalité de notre société.
Un rythme haletant
Et dans ce roman, les meurtres vont s’enchaîner, plus sinistres et “surnaturels” les uns que les autres. En suivant le personnage principal, Coste, le lecteur ne peut pas décrocher. J’ai lu le livre en deux jours 🙂 C’est un vrai page turner, plus prosaïquement on ne veut rien lâcher avant de connaître tous les tenants et aboutissants de l’enquête. Et le chapitrage aide beaucoup en cela. Très courts, on veut en savoir toujours plus et hop ! C’est déjà la fin…
C’est bien sûr le critère indispensable pour différencier un excellent polar de tous les autres qu’on oubliera aussitôt la dernière page terminée.
La ligne rouge
Il faut à présent que je fasse attention à ne rien spoiler ! Mais je trouve intéressant de s’arrêter sur la fameuse ligne rouge. La ligne à ne pas franchir pour tout policier, pour ne pas se compromettre. En théorie, c’est très simple, respecter aussi scrupuleusement la loi qu’on la fait appliquer au public. Et je pense bien sûr que ça doit être l’objectif, une police irréprochable pour restaurer une confiance qui a pris du plomb dans l’aile.
Pour autant, derrière ce mur La Police, ce sont des êtres humains. Avec un vécu, des problèmes, des failles et un métier aux conditions difficiles, heures supp non payées, horaires décalées etc.
Dans ce contexte, comment rester la tête au-dessus de l’eau ? Toujours et tout au long de la carrière ? Est-ce juste une question d’intégrité et de volonté ? Peut-on nuancer en prenant en compte les difficultés des vies humaines qui rejaillissent forcément sur le boulot ? Franchir la ligne rouge est-ce seulement une affaire individuelle ? Les compromissions et leur perception changent-elles aussi avec l’époque ? Ce sont toutes ces questions que l’auteur aborde en filigrane au fil du texte.
Entre l’enquête palpitante et l’atmosphère aussi vraie que nature de cette équipe de policiers, je n’ai qu’une hâte : acheter la suite des enquêtes du Capitaine Coste !
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