Résumé
Une annonce discrète dans le Times propose à « Ceux qui Apprécient la Glycine et le Soleil » de louer un petit château médiéval dans une baie de la Riviera italienne. En ce mois d’avril, cette invitation réunit sur la côte méditerranéenne quatre femmes que tout oppose : Mrs Wilkins, épouse dénigrée ; Mrs Arbuthnot, aussi mélancolique que dévote ; Mrs Fisher, veuve redoutable ; et lady Caroline Dester, aristocrate au charme enchanteur. Fuyant le poids et la grisaille de leurs quotidiens, elles commencent à s’épanouir dans la douce chaleur du printemps italien. C’est alors que, parmi les roses, les lys et le jasmin, l’inattendu se produit. Le bonheur frapperait-il enfin à leur porte ?
Un roman très anglais
Y a-t-il un cliché plus tenace que celui des Anglais rêvant et cuisant sous le soleil de l’Italie ? Et comme tous les clichés, il y a un fond de vérité. Le fond étant, quand on subit la météo de cette île toute l’année, oui, pour les vacances on aspire à découvrir des climats plus cléments 😂
Et cette aspiration presque romantique est au cœur de ce roman Avril enchanté. Ce sont deux femmes, qui entrent en rébellion et au premier chef, contre la grisaille et la pluie à seau !
Et ce thème de l’Italie mythifiée, ensoleillée, bienheureuse eh bien on y souscrit nous aussi en tant que lecteurs et lectrices. Nous voulons notre part du rêve italien, comme on parle du rêve américain.
Et l’autrice nous comble. Nous avons bien la dose recommandée pour venir à bout des moments de spleen : du soleil à foison, des fleurs de toutes les couleurs, et la mer Méditerranée bien évidemment ! Ca m’a aussi donné envie de relire Voyage en Italie de Jean Giono, pour la promesse de l’évasion et l’attention portée à la nature environnante 🤩
Une sororité qui ne va pas de soi
Ce qui est à la fois drôle et rafraîchissant, c’est donc ces quatre femmes qui se regroupent sans se connaître, dans l’unique but de payer moins cher la location de ce fameux château. Mais toutes ne sont pas dans une gêne financière justifiant leur choix de passer des vacances avec de parfaites inconnues. Qu’est-ce donc qui les y pousse ?
Et dans une configuration incongrue comme celle-ci, un groupe formé d’étrangères les unes aux autres… Quels vont être les équilibres à trouver ou bousculer pour que tout le monde passe de bonnes vacances ?
Et qui s’accapara quelle chambre, qui a la plus belle vue, qui doit présider à table ? Autant de questions dont nous découvrons l’existence et la résolution au fil de cette semaine en Italie. J’avoue, au début du roman, j’ai eu peur que l’autrice ne verse dans le crêpage de chignons je dirai d’un machisme latent ordinaire. Des femmes ne sont pas capables de s’entendre et blablabla. Ça m’a presque freinée dans ma lecture. Mais il n’en est rien ! Le ton là-dessus est assez proche d’un texte de P.G Wodehouse.
L’argent, éternel nerf de la guerre
Et bien sûr, comment ne pas s’attarder un petit peu dans cet article sur l’importance de la dimension financière ? En 1922, les deux femmes mariées, à l’origine de cette idée de louer le château, n’en n’ont pas les moyens financiers. Il n’est pas envisageable de demander l’argent nécessaire à leur époux et toutes les économies de leur vie ne suffisent pas. Comment ne pas penser à Jane Austen qui veut toujours bien marier ces héroïnes pour le confort matériel ou, et surtout, à Virginia Woolf qui défendait l’indépendance économique des femmes ?
Mais c’est à plusieurs que l’on va plus loin, jusqu’en en Italie dans ce texte ! Les deux autres femmes permettent la réalisation du rêve des deux premières, s’accorder du temps pour soi, dans un cadre de rêve.
Penser à soi-même
Chacune des protagonistes pense à elle-même, mais pas de la même façon. La vieille dame auguste a visiblement passé sa vie à penser à elle, rentière, veuve à présent, elle est deviendrait même égoïste. La jeune noble en vue de la bonne société aussi a l’habitude de ne penser qu’à elle, sa position dans le monde, la rente là aussi, le lui permettent. Ces deux figures se répondent, chacune illustrant ce qu’a été, ce que sera l’autre.
En parallèle, Wilkins et Arbuthnot se ressemblent également. Issue de la classe moyenne, mariée et restant dans l’ombre du mari qui a pignon sur rue, et elles n’ont pas le loisir de penser à elles et de faire passer leur bonheur en premier. Cette semaine de vacances pourraient bien changer la donne. Mais les femmes comme elles, soit la majorité d’entre elles en 1922, peuvent-elles s’accorder du bon temps sans ressentir de la culpabilité de le faire ? La culpabilité de laisser derrière le mari, les œuvres de charité, de dépenser ses propres économies pour un projet “futile”…
Mais ces vacances entre femmes, seront-elles vraiment futiles ? Ou auront-elles la chance de vivre quelque chose d’incroyable ? 😉