Résumé
Tout d’un coup, dans le petit chemin creux, je m’arrêtai touché au cœur par un doux souvenir d’enfance : je venais de reconnaître, aux feuilles découpées et brillantes qui s’avançaient sur le seuil, un buisson d’aubépines défleuries, hélas, depuis la fin du printemps. Autour de moi flottait une atmosphère d’anciens mois de Marie, d’après-midi du dimanche, de croyances, d’erreurs oubliées. J’aurais voulu la saisir. Je m’arrêtai une seconde et Andrée, avec une divination charmante, me laissa causer un instant avec les feuilles de l’arbuste. Je leur demandai des nouvelles des fleurs, ces fleurs de l’aubépine pareilles à de gaies jeunes filles étourdies, coquettes et pieuses. » Ces demoiselles sont parties depuis déjà longtemps « , me disaient les feuilles.
L’éclosion des désirs
Dans ce deuxième tome, Marcel Proust se concentre sur l’adolescence du narrateur. Dans un tourbillon de désir submergeant et flou à la fois, le narrateur cherche la jeune fille qui pourrait le combler. Mais ce désir qui le brûle ne se concentre pas sur une seule et même personne, illustrant bien l’écart entre désir et sentiment amoureux. Le narrateur voudrait aborder toutes celles dont le visage le marque. Les paysannes croisées en promenade dans la campagne, les employées dans les rues de la ville… Et bien sûr, la bande de jeunes filles qu’il va rencontrer lors de son séjour estival à Balbec.
Là encore, il ne sait où donner de la tête, passant de l’une à l’autre dans son attention non dénuée d’arrière pensée ! Il papillonne, comme l’insecte papillonne de fleur en fleur.
Une conception de la femme et de la féminité ancrée dans son époque
Oui, l’œuvre de Proust est magistrale à plus d’un titre. Ce tome lui a valu le prix Goncourt en 1919 mais la vision de la femme est clairement datée. Ce texte ne laisse de la place aux femmes désirables que dans une certaine mesure.
De façon aujourd’hui cliché et étriquée, le narrateur n’a d’yeux que pour les belles jeunes filles fraîches. Pareilles à des fleurs, la peau blanche, pas de “défauts” physiques susceptibles de rebuter le garçon… Nous ne connaissons pas le portrait physique du narrateur mais ses propres caractéristiques ne semblent psa entrer en ligne de compte dans le regard qu’il porte sur les femmes.
Seulement concernant cet aspect martelé de la jeunesse, je ne pense que cela revête la même obsession de jeunisme qu’on pourrait y associer aujourd’hui. En effet, le narrateur est lui aussi adolescent, il s’intéresse donc à des filles de son âge.
De l’imagination à la réalité
A l’ombre des jeunes filles en fleurs est aussi le tome qui permet de voir le narrateur passer de simples rêves et fantasmes à la réalité. Et la confrontation entre ce qu’il s’imaginait et ce qu’il en est lui ouvre des perspectives larges de réflexion. C’est aussi le volume où le narrateur change très souvent de lubie, ou d’obsession.
Ainsi, l’obsession concernant Swann continue dans la première partie. Ce sont à présent sa femme, puis sa fille que le narrateur va entourer de toutes ses attentions. Il fera tout pour fréquenter la famille et être admis dans le salon d’Odette Swann. Alors même que l’ancien état de cocotte d’Odette fait de son salon un lieu très peu recherché de la bonne société. Par la suite, le narrateur s’éprend de leur fille, Gilberte. Ce sera son premier amour, malheureux car non réciproque.
Et une fois cette lubie dépassée, le narrateur s’engage dans celle de fantasmer la station balnéaire de Balbec, principalement son église. Au cours d’un voyage là-bas avec sa grand-mère, il aura l’occasion de se confronter à la réalité, jamais à la hauteur de son imagination.
Mais grâce à la rencontre du peintre Elstir, déjà évoqué dans le tome I car il faisait partie des habitués du salon des Verdurin, le narrateur va découvrir comment l’Art élève la réalité souvent trop plate.
La bonne société en villégiature
Le séjour estival à Balbec est aussi l’occasion pour l’auteur de chroniquer les habitudes des nombreux parisiens en villégiature. La vie du Grand Hôtel est largement détaillée et les clients qui se côtoient au restaurant de ce même établissement aussi.
Ce sont des moments dans le récit où le lecteur se rappelle d’une autre caractéristique de Proust. Au-delà du monument intimidant, au-delà de l’introspection magistrale de son narrateur, Proust a produit une description magnifique des milieux bourgeois et nobles à la fin du XIXe siècle. Comme Jane Austen ou Honoré de Balzac chacun à leur époque, dans toute la Recherche court cette mise en scène précise, fouillée, et non dénuée d’humour à certains moments, de la vie de l’époque.
Et bien sûr, le séjour à Balbec est aussi le moment d’introduire la prochaine lubie du narrateur : la famille des Guermantes…
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